Enjeux dans le domaine des droits de la personne en 2011
Parité salariale
Ruth Walden c. le gouvernement du Canada
Ruth Walden travaillait comme évaluatrice médicale pour le Régime de pensions du Canada (RPC). Les évaluateurs médicaux déterminent si une personne est admissible à des prestations d’invalidité du RPC. à‰tant donné le degré d’expertise requis pour exercer ces fonctions, tous les évaluateurs médicaux au service du gouvernement fédéral doivent être des professionnels de la santé dûment formés. Mme Walden est une infirmière autorisée.
Ruth Walden et plus de 200 autres évaluateurs médicaux au service du gouvernement fédéral ont porté plainte contre leur employeur auprès de la Commission canadienne des droits de la personne pour discrimination fondée sur le sexe.
Les plaignants soutenaient que les fonctionnaires fédéraux du groupe des conseillers médicaux exerçaient les mêmes fonctions, mais touchaient un salaire supérieur. Les conseillers médicaux sont en majorité des médecins du sexe masculin.
La Commission a participé à la cause en défendant l’intérêt public aux audiences du Tribunal et devant la Cour fédérale.
En juin 2011, la Cour d’appel fédérale a rendu sa décision. Mme Walden et ses collègues évaluateurs médicaux ont obtenu 2,3 millions de dollars pour préjudices moraux imputables à la discrimination et à la disparité salariale subies pendant des dizaines d’années.
En avril 2012, le Tribunal canadien des droits de la personne entendra les arguments concernant l’indemnisation que devraient recevoir les infirmières pour la perte de salaire. Le règlement pourrait être rétroactif jusqu’en 1978.
AFPC c. Postes Canada
Un jugement rendu par la Cour suprême en 2011 a marqué la fin du plus long différend portant sur la disparité salariale dans l’histoire du pays.
Tout a commencé en 1983 lorsque l’Alliance de la fonction publique du Canada, syndicat représentant les employés de bureau de Postes Canada, a constaté que ses membres ne recevaient pas un salaire égal pour un travail de valeur égale.
Le syndicat estimait que le travail de bureau, effectué majoritairement par des femmes, avait la même valeur que les activités de tri et de livraison du courrier pourtant mieux rémunérées, qui étaient menées majoritairement par des hommes.
Le syndicat a déposé une plainte auprès de la Commission canadienne des droits de la personne au nom du groupe d’employées, alléguant que l’écart salarial entre les deux groupes d’employés de Postes Canada était discriminatoire.
Après un examen approfondi qui a duré sept ans, la Commission a renvoyé la plainte au Tribunal canadien des droits de la personne. Les éléments de preuve recueillis au cours de l’enquête étaient tellement considérables que l’audience du Tribunal s’est échelonnée sur 400 jours au cours d’une période de 10 ans. En 2005, le Tribunal a tranché en faveur des employées et ordonné à Postes Canada de verser 150 millions de dollars aux 2 300 femmes nommées dans la plainte.
En 2008, le la Cour fédérale a renversé le jugement du Tribunal à la suite d’une demande de contrôle judiciaire déposée par Postes Canada.
La Commission a appelé de la décision de la Cour d’appel fédérale, mais son appel a été rejeté. La Commission a ensuite interjeté appel devant la Cour suprême du Canada.
Le 17 novembre 2011, après 20 minutes de délibération, la Cour suprême a rendu un jugement unanime et maintenu la décision rendue en 2005 par le Tribunal.
Liberté d’expression et propos incitant à la haine
En 2011, le débat public concernant les dispositions législatives du Canada sur les propos incitant à la haine a pris un nouvel élan. Les Canadiens des deux camps ont fait connaître leur opinion devant la Cour suprême du Canada et le Parlement ainsi que dans les journaux canadiens. Les limites à la liberté d’expression, les conséquences des propos incitant à la haine et le rôle du Code criminel du Canada dans la protection des Canadiens contre les messages haineux étaient au coeur de ce débat important.
Adoption des principes de conception universelle
La Commission de la capitale nationale a construit un escalier sur la rue York pour faciliter les déplacements entre le marché By et la Colline du Parlement.
Peu de temps après l’achèvement des travaux, Bob Brown, ardent défenseur des droits des personnes handicapées qui vit à Ottawa, a déposé une plainte officielle auprès de la Commission canadienne des droits de la personne. Il soutenait que la Commission de la capitale nationale n’avait pas tenu compte de tous les modes de déplacement dans la conception et la construction de l’escalier, puisque les personnes handicapées ou à mobilité réduite n’y avaient pas accès.
Après enquête, la Commission canadienne des droits de la personne a renvoyé le dossier au Tribunal et a décidé de représenter l’intérêt public dans cette affaire.
En août 2011, l’affaire s’est réglée. Les parties ont convenu de créer un comité sur l’accessibilité universelle. Le comité en question, dont Bob Brown est le vice-président, examinera tous les futurs projets de la Commission de la capitale nationale pour s’assurer que les principes fondamentaux d’accessibilité et d’intégration sont pris en compte dans les processus de conception et de construction. Même s’il a fallu quelques années, le résultat représente une victoire pour les droits des personnes handicapées.
La propagande haineuse doit être sanctionnée par David Langtry, président par intérim de la Texte publié dans le National Post le 18 octobre 2011 [adaptation] Pour une troisième fois, la Cour suprême du Canada se penche sur la constitutionnalité des lois canadiennes sur la propagande haineuse, cette fois dans l’affaire William Whatcott, un militant anti-gai de la Saskatchewan. Parallèment, au Parlement, les députés fédéraux étudieront sous peu le projet de loi C-304, qui vise le retrait des dispositions sur la propagande haineuse de la Loi canadienne sur les droits de la personne. Voilà que le débat s’échauffe. Cet enjeu nous concerne tous. Il exige un examen collectif de notre tolérance à l’égard du discours qui méprise et déshumanise, pour des motifs de race, de religion ou d’orientation sexuelle. À la lumière des perspectives opposées de la conversation, une remise en contexte historique s’impose. Dans les années 1970, un homme à¢gé, à l’allure distinguée et plutôt éloquent, abordait le public en plein centre-ville de Toronto. Cet homme, c’est John Ross Taylor, un fasciste avoué, qui avait appuyé Hitler pendant la Seconde Guerre mondiale. S’il vous avait abordé dans la rue, il vous aurait remis une carte vous invitant à composer un certain numéro de téléphone. Si vous composiez ce numéro, un message enregistré accusait les Juifs de fomenter une conspiration internationale « contre la race blanche ». La voix derrière le message était celle de Taylor. Pour passer son idéologie, il profitait d’une brèche dans le Code criminel, qui interdit pourtant les discours haineux. Cependant, le Code ne s’appliquait pas aux communications privées, diffusées notamment par téléphone. Au Canada, où le Parlement débattait de la toute première loi fédérale en matière de droits de la personne, les députés adoptèrent une disposition visant à forcer les nazis comme Taylor à cesser leurs activités. L’article 13 de la Loi canadienne sur les droits de la personne ciblait les expressions de haine les plus extrêmes, un principe de base interprété de façon stricte par la Cour suprême du Canada. Peu après le 11 septembre, le Parlement a élargi la portée de l’article 13, pour y inclure la propagande haineuse véhiculée par Internet. Or le personnage de Taylor n’est pas passé à l’histoire contemporaine. Ce qu’on retient de lui aujourd’hui est plutôt le test qui porte son nom, un outil juridique qui sert désormais à définir les limites de l’expression de la haine. Ainsi, la Commission canadienne des droits de la personne applique rigoureusement le « test de Taylor » lorsqu’elle doit évaluer si des propos sont déterminés « propagande haineuse » ou s’il ne s’agit que de propos blessants. Les plaintes de propagande haineuse demeurent rares et ne représentent qu’une infime partie de notre travail. La discrimination en raison de l’âge, la discrimination contre les personnes handicapées, la protection des droits des Premières nations du Canada : voilà les véritables enjeux de notre quotidien. Depuis Taylor, le gouvernement fédéral du Canada dispose de deux instruments juridiques pour poursuivre les extrémistes qui font de la propagande haineuse. L’un de ces instruments est le Code criminel. Le second est la Loi canadienne sur les droits de la personne. Porter une accusation en vertu du Code criminel exige l’approbation du procureur général. Cette étape particulièrement difficile à satisfaire tend à décourager les poursuites. Les corps policiers disposent de bien peu de ressources pour ce type d’enquête, encore moins pour créer des unités consacrées à la propagande haineuse. Le projet de loi C-304 propose d’abroger l’article 13 de la Loi canadienne sur les droits de la personne. Dans ce cas, il serait peut-être bon que le Parlement facilite le dépôt d’accusations par le biais d’enquêtes policières. Pour ce faire, la police devra disposer des ressources nécessaires pour réunir les éléments de preuve. Si la Loi canadienne sur les droits de la personne n’est pas l’instrument de lutte idéal contre la propagande haineuse, le Parlement devrait faire en sorte que le Code criminel en soit à la hauteur. |
Égalité de traitement pour les militaires morts au combat
En 2006, le caporal Matthew Dinning travaillait comme agent de police militaire en Afghanistan lorsqu’il a été tué par une bombe en bordure de la route.
Comme le caporal Dinning n’était pas marié, aucun membre de sa famille n’était admissible à la prestation de décès des Forces canadiennes. En effet, seuls les époux ou les conjoints de fait des militaires décédés peuvent recevoir le paiement forfaitaire de 250 000 $.
En 2007, le père du caporal Dinning a porté plainte contre Anciens Combattants Canada auprès de la Commission canadienne des droits de la personne. Il soutenait que la politique relative à la prestation de décès crée une discrimination fondée sur la situation de famille envers les militaires célibataires. La Commission a renvoyé l’affaire au Tribunal canadien des droits de la personne.
En novembre 2011, Anciens Combattants Canada a reconnu la compagne du caporal Dinning comme étant sa conjointe de fait. Par conséquent, elle a reçu la prestation de décès qui avait auparavant été refusée. Cela signifiait aussi que le Tribunal canadien des droits de la personne rejetait la plainte parce que, en théorie, le caporal Dinning n’était plus célibataire.
Malgré le fait que M. Dinning n’avait plus de motif de plainte, la politique qui traite les militaires morts au combat différemment selon la situation de famille est toujours en vigueur. C’est pourquoi la Commission a demandé au Tribunal de trancher et de préciser si la politique concernant la prestation de décès est discriminatoire.
Le Tribunal n’a pas rendu de jugement définitif, et la question reste sans réponse.
Deux jugements importants de la Cour suprême
À la fin d’octobre 2011, la Cour suprême du Canada a clarifié les pouvoirs des tribunaux des droits de la personne au Canada.
Dans l’affaire British Columbia Workers’ Compensation Board c. Figliola, la Cour a statué que, dans la majorité des cas, les gens ne peuvent pas s’adresser à un tribunal des droits de la personne pour le saisir d’une affaire ayant déjà été entendue. Ainsi, sauf dans des circonstances vraiment particulières, les tribunaux canadiens des droits de la personne ne peuvent entendre des plaintes pour lesquelles une décision a déjà été rendue par un autre organisme juridictionnel, par exemple une commission d’indemnisation des accidents du travail ou une commission des relations de travail.
Dans l’affaire Commission canadienne des droits de la personne et Mowat c. procureur général du Canada, la Cour suprême du Canada a jugé que le Tribunal canadien des droits de la personne ne peut accorder une indemnisation pour les frais et dépens aux plaignants ayant obtenu gain de cause. Par conséquent, même si le Tribunal est autorisé à accorder des indemnisations pour perte de salaire ou préjudice moral, il ne peut pas indemniser un plaignant pour les honoraires d’un avocat qui le représente. La Commission examine actuellement l’effet de ce jugement sur ses activités.
Une victoire importante en matière de droits de la personne pour la population vieillissante du Canada
À mesure que la génération du baby-boom vieillit, de plus en plus de gens souhaitent continuer à travailler après l’âge de 65 ans pour des raisons personnelles ou financières. Pendant des dizaines d’années, des dispositions de la Loi canadienne sur les droits de la personne et du Code canadien du travail permettaient aux employeurs d’obliger les employés à prendre leur retraite dès qu’ils avaient atteint un certain à¢ge, sans tenir compte de leur capacité à exercer leurs fonctions.
Depuis 1979, la Commission canadienne des droits de la personne réclame l’abrogation des dispositions de la Loi canadienne sur les droits de la personne relatives à la retraite obligatoire. De nombreux employeurs assujettis à la réglementation fédérale de même que la fonction publique fédérale ont aboli la retraite obligatoire de leur propre chef. Pourtant, la Commission a continué de recevoir de nombreuses plaintes de discrimination fondée sur l’âge se rapportant à la retraite obligatoire.
À la fin de 2011, le gouvernement du Canada a remédié à la situation en abrogeant la disposition relative à la retraite obligatoire figurant dans les lois canadiennes grâce à l’adoption de la Loi d’exécution du budget.
La Commission a diffusé une déclaration félicitant le gouvernement pour l’abolition de la retraite obligatoire, qui constitue une mesure déterminante. « Nous ne venons pas au monde avec une date estampillée sur le corps qui correspondrait à la disparition de nos aptitudes au travail le jour de notre 65e anniversaire, a déclaré David Langtry, président par intérim de la Commission. La discrimination fondée sur l’âge est une forme de discrimination, pure et simple. »