Enfin une question de droits - Partie 2


Respect des droits ancestraux et des droits issus de traités

La disposition de non-dérogation

La Loi canadienne sur les droits de la personne comprend désormais unedisposition de non-dérogation1 que la Commission, le Tribunal canadien des droits de la personne et les tribunaux sont tenus de respecter dans toutes leurs décisions. La disposition de non-dérogation prévoit que la Loi canadienne sur les droits de la personne ne peut modifier les « droits existants – ancestraux ou issus de traités » qui sont reconnus et confirmés aux termes de l’article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982.

La disposition interprétative

Le projet de loi C-21 comprenait également une disposition interprétative, laquelle est libellée comme suit :

1.2 Dans le cas d’une plainte déposée au titre de la Loi canadienne sur les droits de la personne à  l’encontre du gouvernement d’une première nation, y compris un conseil de bande, un conseil tribal ou une autorité gouvernementale qui offre ou administre des programmes et des services sous le régime de la Loi sur les Indiens, la présente loi doit être interprétée et appliquée de manière à  tenir compte des traditions juridiques et des règles de droit coutumier des Premières Nations et, en particulier, de l’équilibre entre les droits et intérêts individuels et les droits et intérêts collectifs, dans la mesure où ces traditions et règles sont compatibles avec le principe de l’égalité entre les sexes.

Cette disposition interprétative a été un point central important des travaux de la Commission en vue de se préparer à  l’abrogation complète de l’article 67. De fait, la Commission a commandé deux rapports de recherche visant à  mieux éclairer la façon d’appliquer la disposition :

La Commission a également fait appel à  l’expérience des Premières nations et d’autres peuples autochtones afin de mieux comprendre leur point de vue sur la disposition d’interprétation. Pour ce faire, la Commision a :

  • tenu des réunions avec un conseil d’Aînés;
  • s’est entretenue avec des organisations autochtones nationales;
  • animé un atelier lors de l’assemblée générale annuelle de l’Association du Barreau autochtone;
  • organisé un groupe de discussion spécial dans le cadre du Forum de prévention de la discrimination de 2010 de la Commission.

Grâce aux connaissances partagées, souvent au moyen de récits, la Commission a pu bien saisir le rôle essentiel des règles de droit coutumier et des traditionsjuridiques dans le quotidien des personnes autochtones. Cela a également permis à  la Commission de mieux comprendre certains des défis à  venir.

Traditions juridiques et règles de droit coutumier des Premières nations

L’Assemblée des Premières Nations a décrit la disposition interprétative comme un « lien ténu entre la Loi canadienne sur les droits de la personne et les traditionsjuridiques autochtones »4. En appliquant la Loi canadienne sur les droits de la personne d’une manière qui tient compte et intègre les traditions juridiques et lesrègles de droit coutumier des Premières nations, cela favorisera le dialogue et une plus grande compréhension entre les peuples autochtones, la Commission et d’autres organismes qui interprètent la Loi canadienne sur les droits de la personne.

L’identification et la compréhension des traditions juridiques et des règles de droit coutumier des Premières nations peuvent représenter un défi pour les décideurs qui doivent interpréter la Loi canadienne sur les droits de la personne. Les traditions juridiques et les règles de droit coutumier des Premières Nations ne sont pas figées dans le temps et varient d’une Première nation à  l’autre. Elles peuvent évoluer au même titre que les traditions dans toute autre société, et peuvent changer selon lescirconstances et la volonté de la communauté. Elles peuvent être orales ouconsacrées par écrit, suivant le choix et la pratique de chaque nation.

La Commission reconnaît la nécessité d’établir des méthodes utiles et respectueuses pour ce qui est de la collecte de renseignements sur l’existence et la nature des traditions juridiques et des règles de droit coutumier des Premières nations.

Équilibre entre les droits collectifs et les droits individuels

Les droits collectifs sont ceux qui appartiennent à  un groupe dans son ensemble. Ils sont souvent importants pour préserver l’identité et la culture du groupe. Les droits individuels, quant à  eux, sont ceux qui s’appliquent à  chaque personne.De l’avis de la Commission, il n’y a aucun conflit fondamental entre les droitscollectifs et les droits individuels. Toutefois, à  certains moments, une tension peut exister entre ces deux types de droits. En pareils cas, il importe de trouver un juste équilibre qui permettra d’assurer le respect à  la fois des droits individuels et des droits collectifs.

Égalité des sexes

La disposition interprétative précise que la Loi doit être appliquée et interprétée de manière à  tenir compte des traditions juridiques et des règles de droit coutumier des Premières nations, dans la mesure où ces traditions et règles sont compatibles avec le principe de l’égalité des sexes. L’intention du législateur était de s’assurer de mettre fin à  toute discrimination historique contre les femmes5.

Ce respect prépondérant à  l’égard du principe de l’égalité entre les sexes prend sa source dans le droit international et dans le droit canadien. Par exemple, la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones précise ce qui suit :

Tous les droits et libertés reconnus dans la présente Déclaration sont garantis de la même façon à  tous les autochtones, hommes et femmes6.

De même, le paragraphe 35(4) de la Loi constitutionnelle de 1982 prévoit que les droits ancestraux et issus de traités sont garantis également aux personnes des deux sexes.

Des représentants autochtones ont déclaré à  la Commission que certaines cultures peuvent avoir différentes notions d’égalité entre les sexes. Il existe des cas où les deux sexes peuvent être traités différemment dans le but d’obtenir un résultat d’égalité. La Commission entend examiner tous les renseignements pertinents au moment de traiter les plaintes pour discrimination.

Directives opérationnelles

À la lumière des renseignements recueillis dans le cadre des discussions avec les gouvernements des Premières nations et d’autres intervenants concernés, la Commission a établi des directives visant l’application uniforme de la disposition interprétative tout au long de son processus de règlement des différends. La Commission reconnaît que ces directives peuvent évoluer à  mesure que ladisposition sera appliquée et interprétée.

  • La disposition interprétative n’est pas un moyen de défense7: Il ressort clairement du dossier législatif que la disposition interprétative ne visait pas à  exempter les actes qui seraient autrement discriminatoires en vertu de la Loi canadienne sur les droits de la personne, mais exige plutôt que les dispositions en vigueur de la Loi canadienne sur les droits de la personne soient interprétées à  la lumière de cette disposition.
  • La prise en compte est une obligation : La disposition interprétative crée une obligation positive pour les décideurs d’examiner les traditions juridiques et les règles de droit coutumier des Premières nations. Par conséquent, la Commission demandera aux deux parties à  une plainte pour discrimination si une tradition juridique ou une règle de droit coutumier est en cause et, dans l’affirmative, exigera des renseignements à  l’appui. Les commissaires tiendront compte de ces renseignements dans le cadre du processus décisionnel.
  • L’égalité entre les sexes doit être respectée dans tous les cas : Dans tous les cas qui lui sont soumis, la Commission tiendra compte des traditions juridiques et des règles de droit coutumier pertinents des Premières nations; toutefois, le principe de l’égalité entre les sexes peut limiter leur application.
  • Les gouvernements des Premières nations : La disposition interprétative s’appliquera à  tous les gouvernements des Premières nations, qu’il s’agisse d’une bande au sens de la Loi sur les Indiens ou d’une première nation autonome. Pour que les traditions juridiques ou les règles de droit coutumier soient considérées, celles-ci doivent être pertinentes quant aux faits allégués dans le cadre de la plainte pour discrimination.

Prévention de la discrimination

L’enquête sur la sensibilisation

En 2009, la Commission a mené une enquête sur la sensibilisation auprès des communautés des Premières nations et des représentants régionaux etnationaux des Premières nations. Cinquante-quatre (54) organisations ont participé à  l’enquête. Cette enquête avait pour objectif de déterminer leur degré deconnaissance à  l’égard du projet de loi C-21, du travail réalisé par la Commission, de la Charte canadienne des droits et libertés et de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones.

Les réponses étaient fondées sur une échelle de 1 à  5, 5 correspondant au degré de connaissance le plus élevé. Les taux de sensibilisation au projet de loi C-21 et à  la Loi canadienne sur les droits de la personne étaient d’environ 2,5. Quant aux taux de sensibilisation à  la Charte canadienne des droits et libertés et à  la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, ils étaient légèrement plus élevés. Voici les faits saillants des résultats de l’enquête :

  • La plupart des répondants ont indiqué n’avoir eu que peu ou pas de contact avec la Commission avant l’enquête. Presque tous les répondants ont manifesté leur intérêt à  recevoir davantage de renseignements et de formation sur les droits de la personne.
  • Les répondants ont déclaré posséder un degré de connaissance moyen du mandat et de la compétence de la Commission, le taux se chiffrant à  environ 2,85 sur l’échelle de 5, ce qui est compréhensible étant donné l’intervention plutôt limitée de la Commission auprès des Premières nations dans le passé. Leur niveau de confiance pour ce qui est d’expliquer le projet de loi C-21 et la Loi canadienne sur les droits de la personne était légèrement plus faible.
  • 80 % des répondants ont indiqué n’avoir jamais participé à  un atelier d’information ou à  une séance de formation. Cela s’explique par le fait que l’enquête a été menée moins d’un an après l’adoption du projet de loi C-21.
  • 69 % des répondants ayant déclaré n’avoir jamais participé à  un atelier d’information ou à  une séance de formation de la Commission ont dit qu’ils aimeraient participer à  une prochaine séance.
  • 70 % des répondants ont indiqué ne pas fournir de séances d’information relatives aux droits de la personne à  leurs membres ou délégués.
  • Les organisations des Premières nations ont indiqué que plusieurs facteurs limitaient leur capacité de répondre aux exigences de la Loi canadienne sur les droits de la personne, notamment les suivants :
    • les retombées du régime de la Loi sur les Indiens;
    • le manque de ressources financières et humaines;
    • l’isolement géographique de plusieurs communautés;
    • le besoin d’avoir des renseignements sur les droits de la personne qui sont rédigés dans un langage clair.
  • Les résultats de l’enquête sur la sensibilisation serviront désormais de données de base pour évaluer les progrès réalisés par la Commission au chapitre de l’accroissement des connaissances et de la compréhension des Premières nations à  l’égard du régime de protection des droits de la personne.

Rendre la protection des droits de la personne accessible aux peronnes autochtones

L’enquête sur la sensibilisation a clairement révélé l’existence d’un besoin criant d’avoir renseignements rédigés dans un langage clair et compréhensible pour les profanes. Pour répondre à  ce besoin, la Commission a publié le document La Loi canadienne sur les droits de la personne et vous – un guide explicatif8. Ce guide, élaboré en collaboration avec l’Association des femmes autochtones du Canada, sert d’introduction aux droits de la personne et au processus visant le dépôt d’une plainte pour discrimination devant la Commission. Le guide est accessible à  partir du site Web de la Commission en anglais, en français ainsi qu’en plusieurs langues autochtones. On peut également l’obtenir sous forme d’imprimé sur demande.

Un second guide rédigé en langage clair s’adresse plus particulièrement auxdirigeants et aux administrateurs des Premières nations. Le Guide des droits de la personne à  l’intention des Premières nations contient des renseignements pertinents liés aux droits de la personne et a pour but d’accroître la capacité des Premières nations de régler les questions portant sur les droits de la personne de façon indépendante. Le guide traite des sujets suivants :

  • la législation sur les droits de la personne;
  • les façons de prévenir la discrimination;
  • le processus de règlement des différends de la Commission;
  • la préparation d’une réponse à  une plainte pour discrimination;
  • la façon d’établir des processus communautaires de règlement des différends.

Rendre le processus de règlement des différends de la Commission plus accessible

Il est important d’utiliser un langage clair. Il est tout aussi important d’avoir accès à  un processus clair et compréhensible pour le dépôt et la résolution des plaintes pour discrimination. Au fil des ans, la Commission a tout mis en oeuvre pour que son processus de règlement des différends soit plus facile à  comprendre et plus accessible.

Il n’en demeure pas moins que tout processus qui exige qu’une personne dépose une plainte contre le gouvernement, son employeur ou un collègue peut s’avérer intimidant. Ce processus peut être d’autant plus complexe lorsqu’on tient compte de facteurs comme la petite taille de plusieurs communautés de Premières nations et les liens familiaux, d’emploi et d’amitié solides qui existent au sein de cescommunautés.

La Commission a examiné l’ensemble de ses procédures afin de s’assurer qu’elles répondent aux circonstances et aux besoins particuliers des personnes autochtones.

Formation en matière de protection des droits de la personne

La Commission a déjà participé à  quelques séances de formation en matière de droits de la personne avec les Premières nations et avec plusieurs organisations autochtones. Au moyen d’un dialogue, de présentations et de publications comme les guides rédigés en langage clair, la Commission travaille conjointement avec les Premières nations pour les aider à  mieux connaître les exigences de la Loi canadienne sur les droits de la personne et la façon de les appliquer.

Il est également important d’offrir une formation officielle à  ceux et celles qui interviendront directement dans le processus communautaire de règlement des différends. Il serait avantageux de lancer des initiatives comme une formation en matière de droits de la personne pour les formateurs et une formation sur lesméthodes d’enquêtes à  l’intention des administrateurs des Premières nations. Cependant, plusieurs gouvernements des Premières nations ont informé la Commission que des contraintes en matière de financement limitent leur capacité d’obtenir la formation dont ils ont besoin.

Protection contre la discrimination

Plaintes pour discrimination

Un défi de taille, autant pour la Commission que pour les communautés des Premières nations, est de déterminer le nombre de plaintes pour discrimination qui seront formulées après juin 2011.

Comme il a été dit précédemment, malgré le fait que l’article 67 interdisaitseulement les plaintes pour discrimination découlant de la Loi sur les Indiens,plusieurs personnes des Premières nations croyaient qu’elles étaient exclues totalement de l’application de la Loi canadienne sur les droits de la personne. Par conséquent, il est possible que la Commission observe une hausse des plaintes contre les gouvernements des Premières nations portant sur des questions qui n’étaient pas visées par l’abrogation.

La Commission possède une certaine expérience en ce qui concerne le traitement des plaintes relatives aux Premières nations. Par exemple, la Loi canadienne sur les droits de la personne a toujours offert un recours en matière de discrimination dans le domaine de l’emploi.

Au cours des cinq dernières années, la Commission a accepté, en moyenne, 29 plaintes chaque année visant les gouvernements des Premières nations. Plusieurs de ces plaintes (environ 35 %) ont été réglées rapidement, tandis que 28 % ont été rejetées et 17 % ont été renvoyées au Tribunal canadien des droits de la personne pour un nouvel examen. Les plaintes se répartissent comme suit :

Nombre de plainte visant les Premières nations
2006 39
2007 22
2008 26
2009 20
2010 37
Total 144

Le nombre de demandes de renseignements reçues par la Commission peutdonner une indication du nombre de plaintes futures. Chaque année, la Commission reçoit plusieurs milliers de demandes de renseignements. Les appels portant sur des questions qui n’ont pu être réglées sont considérés comme des demandes de renseignements par le personnel de la Commission. Dans plusieurs cas, les agents de la Commission sont en mesure d’aider les personnes à  régler leur problème sans qu’une plainte pour discrimination soit déposée ou en renvoyant les plaignants à  d’autres organismes qui peuvent les aider. Une proportion relativement faible des demandes mène à  des plaintes pour discrimination officielles devant la Commission.

Le tableau suivant illustre le nombre de demandes de renseignements que la Commission a traitées en 2009 et 2010 et qui portent précisément sur desquestions relatives aux Autochtones, suivi du nombre de demandes derenseignements que la Commission a accepté de traiter comme des plaintes :

Nombre de demandes visant des questions autochtones
  2008 * 2009 2010
Total des demandes 54 100 95
Demandes acceptées comme plaintes 20 13 40

* Du 18 juin 2008

Les données statistiques ci-dessus tiennent compte des demandes derenseignements et des plaintes contre le gouvernement du Canada qui étaient interdites auparavant aux termes de l’article 67. La Commission a égalementcontinué de traiter les plaintes visant les gouvernements des Premières nationsqui n’étaient pas exclues du fait de l’article 67.

Notre analyse préliminaire révèle qu’après juin 2011, la charge de travail de la Commission pourrait augmenter et atteindre de 150 à  170 plaintes par année.

Le nombre réel de plaintes que la Commission recevra dépendra de plusieurs facteurs, notamment :

  • de la mesure dans laquelle les personnes sont au courant de leurs droits en vertu de la Loi canadienne sur les droits de la personne;
  • des efforts déployés par les gouvernements des Premières nations pour prévenir la discrimination et pour intégrer le respect des principes en matière de droits de la personne à  leur pratique quotidienne;
  • du nombre de Premières nations qui ont déjà des processus adéquats pour régler les différends en matière de droits de la personne au sein de leurs communautés.

Discrimination systémique

Le volume de plaintes pour discrimination ne révèle pas tout à  fait l’état de lasituation. Les plaintes ne sont pas toutes identiques. Grâce aux processuscommunautaires de règlement des différends et aux processus de règlement des différends de la Commission, plusieurs plaintes sont susceptibles d’être résolues rapidement. Certaines plaintes seront plus complexes et difficiles à  régler.

Cela est d’autant plus vrai en ce qui concerne les plaintes pour discriminationsystémique. Il s’agit de discrimination systémique9, lorsque les politiques ou les pratiques d’une organisation entraînent des désavantages fondés sur l’un des onze motifs de distinction illicite pour une personne ou un groupe de personnes.

Les plaintes pour discrimination systémique peuvent établir d’importants précédents pour l’avenir, puisqu’elles portent sur des problèmes systémiques plutôt que sur des questions individuelles. Ces plaintes sont souvent longues à  régler et mènent parfois à  des procédures devant les tribunaux. Par exemple, si une décicion juge qu’une politique ou un programme gouvernemental en particulier est discriminatoire, le résultat serait susceptible de mener à  une ordonnance réparatrice visant à  assurer que la discrimination ne se répète pas. Les affaires suivantes ont récemment étéexaminées par le Tribunal canadien des droits de la personne et illustrent bien la situation.

Louie and Beattie v. Indian and Northern Affairs Canada

La première décision rendue par le Tribunal canadien des droits de la personne après l’abrogation de l’article 67 était dans l’affaire Louie and Beattie v. Indian and Northern Affairs Canada10. Dans leur plainte contre Affaires indiennes et du Nord Canada, les plaignants, James Louie et Joyce Beattie, ont fait valoir que lesexigences de la politique du ministère relatives à  la location de terre aux termes du paragraphe 58(3) de la Loi sur les Indiens créaient une discrimination fondée sur des motifs d’origine nationale ou ethnique.

Mme Beattie et M. Louie ont conclu une entente commerciale visant l’exploitation d’une parcelle de terre. Dans le cadre de cette entente, M. Louie devait louer la parcelle de terre à  Mme Beattie pour un montant symbolique de 1 $. En échange, les deux entrepreneurs avaient l’intention de partager les bénéfices découlant du projet d’exploitation.

Cette entente était contraire à  la politique d’Affaires indiennes et du Nord Canada selon laquelle les Autochtones désirant louer leurs terres doivent le faire à  la valeur de marché; toute dérogation à  cette politique doit être justifiée auprès d’Affaires indiennes et du Nord Canada. Selon le ministère, il existe une relation particulière entre les membres des Premières nations qui ont des droits à  l’égard de terres de réserve et le gouvernement du Canada. Ce lien spécial découle du fait que le gouvernement demeure propriétaire de la terre; le pouvoir de louer la terre revient donc au Canada. Affaires indiennes et du Nord Canada fait également valoir que puisqu’il a la responsabilité de protéger les intérêts des citoyens des Premières Nations, il devait examiner attentivement les modalités de la location.

Le Tribunal canadien des droits de la personne a conclu qu’Affaires indiennes et du Nord Canada avait « tenté d’imposer son pouvoir unilatéral sur tous les aspects de l’opération relative à  la terre que les parties envisageaient de conclure ». Il a qualifié le comportement du ministère de « paternaliste » et a dit qu’il « démontrait bien à  quel point la Loi (sur les Indiens) était devenue un anachronisme et qu’elle ne respectait pas la liberté individuelle ainsi que les droits et libertés de la personne qui sont des droits garantis dont jouissent tous les Canadiens ».

Le Tribunal canadien des droits de la personne a également affirmé que leprocessus du ministère doit reconnaître et accepter les Indiens inscrits comme des « Canadiens personnellement responsables et capables de prendre leurs propres décisions en ce qui concerne les avantages éventuels découlant de la location de leurs terres ». Puisque le ministère n’a pas respecté ce principe, le Tribunal canadien des droits de la personne a conclu qu’il avait violé la Loi canadienne sur les droits de la personne.

Le Tribunal canadien des droits de la personne a ordonné à  Affaires indiennes et du Nord Canada :

  • d’examiner à  nouveau l’offre de location;
  • de cesser ses pratiques discriminatoires;
  • de prendre des mesures, en consultation avec la Commission, pour corriger ces pratiques;
  • de modifier le manuel de gestion des terres et ses politiques connexes.

Bien que le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien conteste en partie la décision du Tribunal canadien des droits de la personne devant la Cour fédérale du Canada, ce ministère travaille avec la Commission pour remanier ses politiques et programmes en matière de gestion des terres. Il s’agit du type de collaboration que la Commission valorise auprès des parties à  toutes les étapes du processus de règlement des différends.

First Nations Child and Family Caring Society et al v. Attorney General of Canada

La Commission a reçu une plainte pour discrimination de la part de la Société de soutien à  l’enfance et à  la famille des Premières Nations du Canada et autre. Les plaignants soutiennent que la méthode de financement des organisations de soutien à  la famille des Premières nations est discriminatoire en raison d’unedistinction fondée sur la race étant donné que les organisations de soutien à  l’enfance reçoivent un financement insuffisant comparativement aux organismes venant en aide aux enfants autres que ceux des Premières nations. Parconséquent, les organismes de soutien à  l’enfance des Premières nations nepeuvent créer les programmes nécessaires pour venir en aide aux familles des Premières nations vivant une situation difficile.

La Commission a renvoyé la plainte au Tribunal canadien des droits de la personne et a représenté l’intérêt public dans le cadre des procédures.

Le procureur général a contesté la compétence du Tribunal canadien des droits de la personne pour entendre l’affaire, faisant valoir que l’octroi de financement aux organisations de soutien à  l’enfance des Premières nations n’est pas un « service » au sens de la Loi canadienne des droits de la personne. Il a également affirmé qu’il n’est pas approprié de comparer les services d’aide sociale que reçoivent les enfants des réserves avec les services que reçoivent les enfants qui n’habitent pas dans des réserves.

Le 14 mars 2011, le Tribunal canadien des droits de la personne a conclu11 que la preuve dont elle disposait ne lui permettait pas de déterminer que les programmes d’aide sociale à  l’enfance des Premières nations n’étaient pas un « service » au sens de la Loi canadienne des droits de la personne. Le Tribunal canadien des droits de la personne a ajouté que le gouvernement avait raison d’affirmer qu’il n’y avait aucun groupe de comparaison valable et a rejeté la plainte.

Compte tenu de la décision portant qu’il n’y a aucun groupe de comparaison, toute plainte pour discrimination qui sera déposée par les peuples autochtones contre le gouvernement du Canada deviendra difficile à  prouver. Cela est principalement attribuable aux obligations particulières du gouvernement du Canada en vertu du paragraphe 91(24) de la Loi constitutionnelle de 1867, qui le rend responsable« des Indiens et des terres réservées pour les Indiens ».

Le gouvernement du Canada participe souvent à  l’élaboration, au financement et à  la prestation de services dans les réserves qui sont habituellement des services provinciaux pour d’autres Canadiens. Compte tenu de la situation exceptionnelle des peuples autochtones et des services qui leur sont fournis, il n’y a pas de groupe de comparaison correspondant dans la plupart des cas.

L’Assemblée des Premières Nations et la Société de soutien à  l’enfance et à  lafamille des Premières Nations du Canada, ainsi que la Commission, ontdemandé le contrôle judiciaire de cette décision devant la Cour fédérale duCanada. L’audience devrait avoir lieu à  la fin de 2011.

Discrimination inscrite dans la Loi sur les Indiens

La Loi sur les Indiens est peut-être la seule loi au monde dont l’application estfonction de la race, et est demeurée relativement la même pendant 135 ans. Elle est désuète et continue de faire l’objet de critiques; on l’accuse d’être discriminatoire et paternaliste. Une approche plus moderne en matière de gouvernance quireconnaît le droit inhérent des Premières nations à  l’autonomie gouvernementale est attendue depuis longtemps. La mise en oeuvre d’une telle approche sera longue et ne peut être accomplie qu’en consultation et en collaboration avec les peuples des Premières nations.

Entre-temps, la Commission prévoit examiner la Loi sur les Indiens sous l’angle des droits de la personne. Les principes en matière de droits de la personne sur le plan international, comme ceux énoncés dans la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones et ceux de la Loi canadienne sur les droits de la personne seront utilisés pour relever les éléments discriminatoires dans la Loi sur les Indiens.

Ressources suffisantes

Renforcer la capacité des Premières nations

La mise en oeuvre d’un mécanisme de recours en matière de protection des droits de la personne pour les membres des Premières nations est une affaire complexe qui nécessitera l’engagement continu des Premières nations, de la Commission, du gouvernement du Canada et d’autres parties intéressées.

Renforcer la capacité à  protéger et à  promouvoir les droits de la personne au sein des communautés des Premières nations est essentiel pour assurer l’efficacité de ce processus. Comme il a été dit précédemment, la Commission, en collaboration avec les gouvernements des Premières nations, a déjà pris des mesures importantes à  cet égard. La Commission continuera d’offrir son expertise aux gouvernements des Premières nations étant donné qu’il reste encore beaucoup à  faire.

En raison de l’abrogation de l’article 67, les gouvernements des Premières nations se trouvent encore devant de nombreux défis de taille, notamment :

  • Sensibilisation : Les membres des Premières nations et personnes autochtones ont encore besoin de renseignements précis concernant l’abrogation et ses répercussions afin d’être bien outillées pour participer aux mécanismes de recours en matière de protection des droits de la personne.
  • Renforcement des capacités : Les gouvernements des Premières nations ont déjà une lourde charge de travail. Plusieurs d’entre eux manquent de gens qualifiés pour l’examen et le règlement des litiges en matière des droits de la personne.
  • Établissement de politiques : Peu de gouvernements des Premières nations disposent de politiques ou de procédures en matière de protection des droits de la personne visant à  prévenir ou à  traiter les différends relatifs aux droits de la personne. Plusieurs d’entre eux manquent de ressources pour revoir les politiques opérationnelles et les pratiques existantes ainsi que les règlements administratifs afin d’assurer le respect des droits de la personne
  • Accessibilité pour les personnes handicapées : Les communautés des Premières nations ont des besoins fondamentaux comme l’eau potable et des logements adéquats, et plusieurs d’entre elles n’ont donc pas été en mesure d’accorder une très grande importance à  l’accessibilité pour les personnes handicapées. Bien que le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien prévoie effectivement du financement pour l’accessibilité des personnes handicapées, il n’est pas certain que le montant soit suffisant. Comme il a été mentionné précédemment dans le rapport, plusieurs personnes des Premières nations prennent conscience maintenant de leurs droits fondamentaux grâce à  l’abrogation de l’article 67. Cela signifie que les plaintes pour discrimination fondée sur une déficience pourraient augmenter, bien qu’il ne s’agisse pas d’un motif qui était interdit en vertu de l’article 67.

La Commission comprend l’ampleur des défis auxquels sont confrontées lesgouvernements des Premières nations et les autres orgranisations autochtones dans le cadre de la mise en oeuvre de l’abrogation. Toutefois, il ne serait pasconvenable ou approprié de se prononcer sur le montant précis des ressourcesfinancières et humaines nécessaires pour faire un travail convenable. LaCommission accueille favorablement le rapport au Parlement rédigé conjointement par le gouvernement du Canada et les organisations des Premières nationspertinentes, conformément au projet de loi C-21. La Commission espère qu’on lui accordera toute l’attention qu’il requiert.

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