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Dans le territoire qui constitue maintenant le Canada, les Métis se heurtent depuis longtemps déjà à des difficultés pour accéder à tous les éléments du droit fondamental à un logement adéquat.
La Métis Nation – Saskatchewan (MN–S), nom porté par la Nation des Métis de la Saskatchewan, a invité la défenseure fédérale du logement à mener un examen systémique des conditions de logement et d'itinérance des Métis dans leur patrie. Cet examen a été entrepris dans le cadre du rôle de défenseure fédérale du logement en tant que personne indépendante et non partisane ayant un mandat de surveillance – quelqu'un qui exige que les décideurs gouvernementaux rendent des comptes concernant leurs obligations en matière de droits de la personne liés au logement et à l'itinérance. Cet examen systémique a été effectué conformément au paragraphe 13.1(1) de la Loi sur la stratégie nationale sur le logement.
La défenseure fédérale du logement a passé du temps dans diverses collectivités et rencontré des organisations qui s'emploient à répondre aux besoins urgents en matière de logement dans la patrie des Métis de la Saskatchewan. Elle a pu voir de ses propres yeux l'expérience des Métis en ce qui concerne les conditions de logement, la précarité du logement et l'itinérance dans les collectivités métisses de la province.
En visitant les territoires traditionnels des Métis en Saskatchewan, la défenseure a adopté une approche axée sur le droit au logement pour montrer que l'histoire, les circonstances actuelles et les possibilités futures sont interreliées. L'histoire des Métis de la Saskatchewan n'est pas bien connue, et le rôle des Métis dans la création de la province est souvent négligé.
Cet examen sans précédent est le premier rapport exhaustif sur les conditions de logement des Métis. Les Métis de la Saskatchewan ont besoin d'une offre de logements qui respecte leur droit à un logement adéquat. Les logements doivent être abordables, habitables, accessibles, assortis de mesures de soutien et adaptés à la culture.
Les collectivités métisses affichent des taux d'itinérance et de précarité du logement beaucoup plus élevés que la population non autochtone. De plus, elles connaissent des taux plus élevés de l'usage des substances et de problèmes de santé mentale. Ces taux disproportionnés découlent de l'histoire des Métis marquée par le déni de leurs droits, du racisme et des systèmes qui perpétuent les préjudices.
Selon le rapport, les Métis ont connu des obstacles historiques à un logement adéquat qui remontent aux années 1800. C'est le résultat de politiques et de mesures gouvernementales visant à tenir les Métis à l'écart du pouvoir. À l'origine, il y avait des collectivités métisses prospères dans ce qui est maintenant le Nord de la Saskatchewan avant ou en même temps que la colonie de la rivière Rouge. La vie des Métis a radicalement changé avec la Confédération et l'ouverture du pays à la colonisation.
En plus de jouer un rôle unique dans l'histoire, les Métis ont une identité et un mode de vie distincts qui mettent l'accent sur la relation entre les générations, l'importance des aînés et la priorité accordée à des collectivités saines et prospères. Il est essentiel que les décideurs à tous les niveaux reconnaissent et appuient ces façons de faire et ces savoirs propres aux Métis afin de trouver des solutions souples, efficaces et adaptées à la culture pour régler les problèmes de logement et d'itinérance.
Durant sa visite en Saskatchewan, la défenseure a clairement vu que les Métis sont encore confrontés à de nombreuses lacunes en ce qui concerne leur droit fondamental à un logement adéquat.
Les collectivités en régions éloignées et au Nord n'ont pas les infrastructures de base qui permettraient une offre de logements abordables et rendraient ces collectivités sûres et sécuritaires. Dans les collectivités du Nord, l'enjeu du logement est freiné par une insuffisance de services de base, le coût des services publics faisant de l'abordabilité un obstacle majeur. Les maisons n'ont pas été construites ou entretenues selon les normes actuelles, ce qui a des répercussions sur l'habitabilité. La défenseure a souligné qu'il faut un système de conformité pour maintenir les normes et assurer une reddition de compte dans le but de disposer de logements sécuritaires, accessibles et adéquats. Cela signifie qu'il faut établir des règlements administratifs qui tiennent mieux compte du climat et de la situation géographique du Nord, en plus d'élaborer des codes du bâtiment et des mécanismes d'application pour veiller à ce que les logements respectent les normes de construction nationales et provinciales.
De nombreux logements sont vieillissants et nécessitent des dépenses importantes pour les travaux d'entretien et de réparation. Le coût exorbitant du chauffage de ces habitations, comparativement à celui dans les grands centres urbains de la province, est le résultat de deux facteurs : le coût de l'électricité beaucoup plus élevé dans les régions éloignées de la province; et la nécessité urgente de rénover ces habitations pour réduire le plus possible les pertes de chaleur.
La capacité de payer et d'obtenir une assurance habitation adéquate est également un obstacle majeur, en particulier dans les collectivités éloignées. De plus, pour les personnes ayant des problèmes de mobilité physiques, les logements adaptés à leurs besoins sont rares et souvent provisoires. Enfin, la croissance et la prospérité de ces collectivités dépendent de possibilités économiques limitées dans les régions éloignées.
Entre-temps, les défaillances des systèmes provinciaux et fédéraux aggravent les obstacles à un logement adéquat que les Métis rencontrent. À l'échelle provinciale, le modèle actuel d'aide au revenu, le Saskatchewan Income Support (SIS), contribue à l'itinérance et laisse les gens coincés plutôt qu'autonomes. Les obstacles à l'accès aux logements de la Saskatchewan Housing Corporation (société d'habitation de la Saskatchewan) demeurent insurmontables pour la plupart.
Les modèles de financement actuels, à l'échelon tant provincial que fédéral, ne suffisent pas à répondre aux besoins. Il y a un manque de financement pour les logements de transition et les services de soutien complets, conjugué à un besoin urgent d'élargir les pratiques exemplaires existantes et les modèles de soutien à la transition. De plus, le financement n'est pas alloué de manière prévisible ni à long terme, ce qui complique la gestion des logements d'urgence.
Dans l'ensemble de la province, la défenseure fédérale du logement a constaté une grave pénurie de logements sûrs ou de logements d'urgence et de transition. Aucune collectivité rurale située dans le Nord de la Saskatchewan n'avait de refuge d'urgence adéquat, encore moins de refuge pour femmes. Certaines collectivités visitées par la défenseure n'avaient aucun refuge ni aucune banque alimentaire. Ce manque de soutien d'urgence fait en sorte que les gens en situation précaire ou dangereuse n'ont pas d'endroit sûr où aller. De nombreuses collectivités sont forcées de choisir entre construire plus de refuges d'urgence ou construire plus de logements de transition lorsque le financement alloué n'est pas suffisant pour répondre aux besoins et à la demande.
Il y a également une grave pénurie de tous les autres types de logements permanents. Cela comprend des logements communautaires, ainsi que des logements adaptés et sans obstacles pour permettre aux personnes aînées ou handicapées de demeurer dans leur collectivité d'origine et de vivre de façon autonome. Il faut accroître l'offre de logements en mettant en œuvre de nouveaux modèles de financement, en encourageant les solutions novatrices et en s'attaquant à la pénurie de main-d'œuvre qualifiée nécessaire pour construire de nouvelles habitations.
La fourniture de logements communautaires et de services aux collectivités est ralentie par une pression insidieuse, celle qui est mise sur les fournisseurs de logements eux-mêmes et sur leur personnel. Sans financement fiable et adéquat, les employés vivent avec des niveaux de revenu plus faibles et sans stabilité d'emploi, mais on s'attend quand même à ce que ces personnes continuent d'offrir des services à leurs propres risques.
L'itinérance et l'extrême pauvreté sont liées aux troubles de l'usage d'une substance et à la santé mentale. Partout où la défenseure s'est rendue, les fournisseurs de logements sont submergés par les répercussions de la crise des intoxications médicamenteuses. Quelle que soit la situation – de celles où on cherche un hébergement immédiat pour une personne qui se remet d'une surdose à celles où on veut obtenir un logement à long terme pour une personne ayant des besoins plus complexes en matière de services sociaux et de soins de santé – il existe peu de logements, avec services de soutien complets, qui sont disponibles ou accessibles pour ces personnes. En conséquence, moins de personnes sont logées, et de nombreuses personnes ayant des besoins importants n'ont d'autre choix que de dormir dans la rue ou dans des campements. Entre-temps, les Métis sont surreprésentés dans le système correctionnel en raison de causes profondes complexes, incluant des problèmes systémiques. Ces problèmes ne sont pas toujours réglés durant une incarcération, ce qui fait que des personnes quittent le système correctionnel dans un état de vulnérabilité.
Des politiques et des mesures gouvernementales, tant d'hier que d'aujourd'hui, ont créé des obstacles qui empêchent les Métis d'obtenir un logement, mais pas les autres Canadiennes et Canadiens. L'élimination de ces obstacles et les efforts pour améliorer la situation des Métis de la Saskatchewan sont dans la mire de la MN–S depuis les années 1930, et peut-être même avant, et sont abordés d'une entente d'autonomie gouvernementale signée avec le Canada en 2019.
En ce qui concerne le logement, la MN–S met en œuvre un certain nombre de programmes de logement pour ses membres. Ces programmes assurent des approches adaptées à la culture en matière de logement et vont du financement des besoins urgents à l'augmentation active de l'offre de logements. Dans les centres urbains, les fournisseurs de logements métis proposent actuellement des modèles de logement adaptés à la culture. Des entreprises novatrices fondées par des Métis cherchent à fabriquer des logements modulaires. La MN–S a supervisé la conception, inspirée par les Métis, de plusieurs modèles de logement qui suscitent déjà beaucoup d'intérêt. Toutefois, cet intérêt initial est compromis par un financement instable et par des priorités différentes qui ne concordent pas.
Il faut absolument que la compétence de la MN–S en tant que gouvernement soit reconnue et qu'elle soit incluse dans toutes les discussions stratégiques et décisionnelles liées au logement avec les gouvernements provincial et fédéral. Il est important que tous les ordres de gouvernements travaillent avec la MN–S, d'égal à égal, pour déterminer les priorités communes et investir dans celles-ci afin que de concevoir et mettre en œuvre conjointement d'autres modèles et solutions de financement.
Enfin, le droit fondamental au logement doit être reconnu et appuyé afin d'apporter des changements durables en matière de logement et d'itinérance. Une approche fondée sur les droits de la personne accorde la priorité aux gens et garantit le respect de leurs droits et la satisfaction de leurs besoins.
Pour respecter le droit fondamental à un logement pour les Métis de la Saskatchewan, il faut comprendre les multiples enjeux intersectionnels qui sont en cause – la culture, l'histoire, les traumatismes intergénérationnels, la pauvreté, les troubles de l'usage de substances et la santé mentale. Les progrès dépendent donc d'un effort, d'un financement et d'une collaboration soutenus.
Tous les gouvernements devraient tenir compte de cet appel à respecter le droit fondamental à un logement adéquat des Métis de la Saskatchewan.