No de catalogue : CH1-44F-PDF
ISBN : 2816-6973
Message de la défenseure fédérale du logement
En tant que première défenseure fédérale du logement au Canada, j’ai le plaisir de présenter mon rapport annuel 2023-2024, qui décrit le travail que mon bureau et moi avons accompli dans la dernière année.
Notre rôle est avant tout d’écouter les personnes qui sont aux premières loges de la crise du logement et de l’itinérance qui frappe le Canada, et de porter leur voix jusqu’aux décideurs. Nous plaidons également en faveur d’un changement systémique afin que le droit au logement de chaque personne au Canada soit respecté, et nous nous efforçons de nous rapprocher de l’objectif d’un logement sécuritaire, abordable et adéquat pour tous et toutes.
Voilà près de cinq ans que le gouvernement fédéral a adopté la Loi sur la Stratégie nationale sur le logement, qui reconnait que le droit à un logement adéquat est un droit fondamental de la personne au Canada. La Loi prévoit également des mécanismes de reddition de compte, comme la défenseure fédérale du logement, afin de garantir le respect de ce droit.
Malgré tout, la situation du logement au Canada a continué de se détériorer pour atteindre un point critique. Donc même si certains progrès ont été accomplis, il reste encore beaucoup à faire.
Si les progrès tardent à venir, cela tient au fait que les problèmes qui affligent notre système de logement ont une dimension systémique – ils sont complexes, entrecroisés et paraissent parfois insurmontables. Il y a aussi que le Canada est un pays très vaste, où les besoins en matière de logement varient énormément d’une région à l’autre.
C'est d'ailleurs souvent à cause de problèmes systémiques que les personnes en situation d’itinérance et celles qui vivent dans des logements inadéquats se retrouvent dans des positions intolérables. La financiarisation du logement, le manque criant de logements abordables, le nombre limité de logements accessibles et la discrimination systémique sont autant de facteurs qui contribuent à cette situation. Pour leur part, les communautés autochtones se butent souvent à une offre de logements adéquats pratiquement inexistante là où ils vivent. Les personnes en situation d’itinérance peuvent quant à elles se tourner vers les refuges, mais le nombre de places est limité et ils ne sont pas toujours adaptés à leurs besoins, ce qui les poussent à vivre dans des campements faute d’avoir un endroit sûr où aller.
Je me réjouis toutefois de constater que le débat national sur le logement a évolué et que les gens ont maintenant une meilleure compréhension de la réalité des personnes vivant dans les conditions de logement les plus précaires. Lors de mes échanges avec des personnes un peu partout au Canada au cours de la dernière année, j’ai senti une plus grande empathie. Les gens commencent à comprendre ce qu’est une approche du logement fondée sur les droits de la personne, et surtout à comprendre le rôle des gouvernements dans la création de logements accessibles à tous les Canadiens et Canadiennes, au-delà de l’achat de propriété.
Dans le cadre de mes déplacements, j’ai pu constater que bien des acteurs sur le terrain, dont les municipalités, ne disposent pas des ressources nécessaires pour faire ce qui est juste pour leur communauté ou pour mettre en œuvre le changement systémique qui s’impose.
Or, plusieurs moyens existent pour créer un changement réel et durable, à commencer par le gouvernement fédéral. Aujourd’hui, le Canada a besoin d’un leadership fédéral fort pour concrétiser sa promesse de faire du logement un droit de la personne.
Pour mettre fin à la crise du logement et de l’itinérance dans l’ensemble du pays, le gouvernement fédéral doit faire preuve de leadership et dégager les ressources nécessaires. Nous avons également besoin de partenaires un peu partout sur le terrain pour prendre mes recommandations et les initiatives du gouvernement fédéral et les mettre en œuvre en fonction des besoins de chaque communauté.
La bonne nouvelle, c’est que les gouvernements commencent à tendre l’oreille. L’année dernière, je suis intervenue auprès des gouvernements fédéral, provinciaux, territoriaux et municipaux pour faire avancer ces questions systémiques. Or, je ne suis pas la seule à défendre cette cause – je suis fière d’unir mes efforts à ceux des communautés autochtones, des personnes en situation d’itinérance et des puissants défenseurs des communautés afin qu’ensemble nous élaborions des recommandations et incitions les gouvernements à passer à l’action.
Le Canada a tout ce qu’il faut pour mettre fin à la crise du logement et de l’itinérance.
Le gouvernement fédéral doit absolument investir dans la construction de logements hors marché – coopératives d’habitation, logements sans but lucratif et publics – qui sont abordables et accessibles de façon permanente. Les fonds publics doivent servir l’intérêt général.
Pour cela, il faut adopter une approche fondée sur les droits de la personne, qui place les gens au premier plan. Nous devons miser sur les logements sécuritaires, sains et abordables pour tous et toutes, qu’il s’agisse d’étudiants, de nouveaux arrivants ou de personnes à faibles revenus. Nous devons également prioriser les logements pour les personnes en situation de handicap, les personnes âgées et les familles. Et ces logements doivent rester abordables de façon permanente, afin que nous ne nous retrouvions pas dans la même situation une génération plus tard.
Face à ce problème complexe, de nombreuses solutions s’imposent. Tous les niveaux de gouvernement ont un rôle à jouer dans le financement et la construction de logements hors marché. Il appartient toutefois au gouvernement fédéral de montrer la voie à suivre.
En travaillant ensemble, nous pouvons faire du droit au logement une réalité pour tous et toutes. Il nous suffit pour cela de faire en sorte que ce droit soit une priorité absolue pour les gouvernements, en particulier pour les autorités fédérales.
Avec l’adoption de la Loi sur la Stratégie nationale sur le logement en 2019, le Canada s’est engagé à la « réalisation progressive » du droit au logement. J’espère sincèrement que ce rapport aidera le gouvernement fédéral à accélérer le processus. Tout le monde doit être présent à la table si nous voulons créer un changement durable.
Cordialement,
Marie-Josée Houle,
Défenseure fédérale du logement
Principales questions et mesures pour 2023-2024
Les marchés du logement ont fait l’objet de nombreuses discussions au cours de la dernière année au Canada dans les médias, chez les parlementaires et à la Banque du Canada. Cependant, l’abordabilité du logement ne se limite pas aux taux d’intérêt et à l’accession à la propriété.
Les personnes les plus vulnérables au Canada font face à de multiples obstacles systémiques qui les empêchent d’exercer leur droit à un logement adéquat. Le gouvernement fédéral et les décideurs à tous les niveaux ont le devoir de régler ces problèmes systémiques pour que chacun ait un endroit sûr, abordable et digne où vivre.
Le besoin urgent de logements hors marché
Le Canada doit certes accroître son offre de logements, mais encore faut-il qu’il s’agisse du bon type d’offre, qui réponde aux besoins les plus criants.
Les groupes défavorisés sont touchés de manière disproportionnée par la crise du logement – comme les personnes à faible revenu, les personnes racisées, les anciens combattants, les Autochtones, les personnes 2ELGBTQQIA+, les personnes âgées, les personnes en situation de handicap et les nouveaux arrivants, pour n'en nommer que quelques-uns. Ces groupes sont de plus en plus à la traîne.
Bon nombre de ces personnes s’accrochent à un logement inadéquat parce qu’elles n’ont pas d’autre choix. D’autres personnes sont à deux chèques de paye de l’itinérance et les personnes qui vivent dans des campements n’ont pas d’autre endroit où aller.
Investir dans les logements hors marché est la façon de sortir de la crise du logement. Les fonds publics devraient appuyer la construction de logements hors marché – coopératives d’habitation, logements sans but lucratif et publics – abordables et accessibles de façon permanente.
Les logements hors marché sont des logements abordables et accessibles de façon permanente créés pour répondre aux besoins d’un large éventail de personnes. C’est la meilleure façon d’utiliser l’argent des contribuables pour le bien public en matière de logement, car tout le monde en profite. Plus important encore, les logements hors marché ne sont pas inflationnistes — ils n’augmenteront pas le prix courant des logements privés.
Au cours des 30 dernières années, le Canada a cessé d’investir dans les logements hors marché. Ce changement de priorités a profité au marché des logements privés, au détriment des groupes défavorisés qui se retrouvent de plus en plus cantonnés dans des logements précaires et inadéquats ou en situation d’itinérance.
Après des décennies de négligence au chapitre des logements sociaux et abordables, au cours des dernières années le gouvernement fédéral a renouvelé ses investissements dans le logement avec la Stratégie nationale sur le logement et son engagement de plus de 82 milliards de dollars en vue de régler la crise du logement au Canada.
Mais à plus de la moitié de la Stratégie décennale, les données probantes démontrent que la grande majorité des logements produits par les programmes de la Stratégie nationale sur le logement ne sont pas abordables ou appropriés pour les ménages en situation d’itinérance ou ayant des besoins impérieux en matière de logement.
Il est maintenant temps d’aligner la Stratégie nationale sur le logement sur la Loi sur la stratégie nationale sur le logement. La Stratégie doit adopter des approches fondées sur les droits de la personne qui mettent les individus à l’avant-plan, notamment en accordant la priorité à l’expansion des logements hors marché.
On peut par exemple assortir le financement fédéral pour les infrastructures de conditions imposant la création de logements hors marché dans les nouveaux projets immobiliers, et créer un fonds pour permettre aux fournisseurs de logements hors marché et autochtones d’acheter, de réparer et d’exploiter des immeubles existants.
De toute évidence, l’augmentation du nombre de logements hors marché est la solution pour rétablir la santé du système de logement au Canada.
Utiliser une approche fondée sur les droits de la personne pour estimer la pénurie de logement au Canada
En novembre, le bureau du défenseur fédéral du logement a publié un rapport dans le cadre duquel une approche fondée sur les droits de la personne avait été utilisée pour analyser l’offre de logements au Canada. Le rapport a révélé qu’il manque 4,4 millions de logements abordables pour les personnes ayant besoin d’un logement.
Le rapport produit par Carolyn Whitzman, experte en politique en matière de logement, applique une approche fondée sur les droits de la personne à l’analyse des besoins en matière d’offre de logements au Canada par catégorie de revenu, taille des ménage et population prioritaire. Pour la première fois, le rapport inclut les étudiants, les personnes en situation d’itinérance et les personnes vivant dans des logements collectifs – comme les établissements de soins de longue durée ou les logements supervisés pour les personnes en situation de handicap – dans le dénombrement des personnes ayant des « besoins impérieux en matière de logement ».
Les chiffres montrent un déficit actuel de 3 millions de logements pour les ménages à faible et très faible revenu qui ont besoin d’un logement et qui ont un budget inférieur à 1 050 $ par mois, et de 1,4 million de logements pour les ménages à revenu modique et médian qui ont besoin d’un logement.
En d’autres termes, pour rétablir l’abordabilité du système de logement canadien il faut créer 4,4 millions de logements abordables et accessibles de façon permanente.
Le rapport s’appuie également sur un cadre de référence des droits de la personne pour estimer les besoins en matière d’offre de logements pour la prochaine décennie. Il prévoit qu’en plus des besoins actuels, le Canada devra ajouter 9,6 millions de nouveaux logements au cours des dix prochaines années, dont un tiers sera réservé aux ménages à très faible revenu ou à revenu modique. Seuls les logements hors marché bénéficiant d’importantes subventions gouvernementales peuvent obtenir des loyers suffisamment bas pour répondre à ce besoin.
Le rapport présente une nouvelle façon d’aborder la question de l’offre de logements au Canada. Il se concentre sur la situation des personnes les plus touchées par le logement inadéquat et l’itinérance, et sur le type d’offre de logement qui répondra réellement à leurs besoins.
Faire des recommandations aux décideurs
En novembre 2023 et février 2024, la défenseure fédérale du logement a comparu devant le Comité permanent des finances de la Chambre des communes (FINA) pour discuter de la façon dont la politique financière du gouvernement peut aider à rétablir l’abordabilité du système de logement du Canada.
La défenseure a mis l’accent sur trois mesures clés que le gouvernement peut prendre, la principale étant que le gouvernement fédéral montre la voie en créant des logements hors marché accessibles et abordables de façon permanente. Elle a également recommandé que le gouvernement fédéral mette en œuvre des réformes fiscales pour rendre la financiarisation moins rentable et protéger les locataires des augmentations de coûts.
Afin de répondre aux besoins d’un large éventail de personnes, la défenseure a formulé les recommandations précises suivantes :
- Prioriser les investissements dans le logement hors marché dans le budget de 82 milliards de dollars de la Stratégie nationale sur le logement;
- Créer un fonds d’acquisition pour permettre aux fournisseurs de logements hors marché et autochtones d’acheter, de réparer et d’exploiter des immeubles existants;
- Assortir le financement fédéral pour les infrastructures de conditions imposant la création de logements hors marché dans les nouveaux projets;
- Promouvoir des mesures rigoureuses de stabilisation des loyers et de protection des locataires partout au Canada;
- Modifier les politiques fédérales relatives aux placements des fonds de pension et à l’imposition des fiducies de placement immobilier;
- Collecter de meilleures données sur la financiarisation;
- Assurer une meilleure reddition de comptes lorsque l’argent des contribuables est consacré à des incitatifs au secteur privé.
La financiarisation et le tort que cela cause aux personnes au Canada
La « financiarisation » du logement signifie que le logement est traité comme une marchandise – un véhicule de richesse et d’investissement – plutôt que comme un droit fondamental et un bien social pour les personnes et les communautés.
La financiarisation fait référence à la domination croissante des acteurs financiers dans le secteur du logement. Cela a commencé dans les années 1990, lorsque le Canada a permis la création de fiducies de placement immobilier et a permis aux fonds de pension d’investir dans les marchés et les instruments financiers.
La financiarisation traite le logement comme un actif financier et un outil de profit pour les investisseurs, plutôt que comme un droit fondamental de la personne pour tous et toutes. Selon nos recherches, 20 % à 30 % des logements locatifs au Canada sont financiarisés, et ce sont les groupes défavorisés qui sont les plus touchés.
Comment la financiarisation affecte la sécurité du logement
Souvent, la financiarisation amène de gros investisseurs à acheter des immeubles d’habitation abordables.
Ensuite, ces entités en font un produit pour leurs investisseurs. Les stratégies de rentabilité des sociétés financières qui investissent dans le logement impliquent de soutirer davantage aux résidents et souvent de les déplacer. Ces sociétés augmentent considérablement les loyers, réduisent les services d’entretien et évincent les locataires existants pour accroître leurs profits.
Ce n’est pas la première fois que ces immeubles appartiennent à des propriétaires privés. La nouveauté, c’est qu’ils appartiennent maintenant à de grands investisseurs institutionnels qui sont tenus d’optimiser le rendement pour leurs actionnaires.
La financiarisation contribue à l’inabordabilité des logements et viole les droits de la personne. Le résultat de la financiarisation est que les groupes défavorisés sont forcés de consacrer une portion disproportionnée de leur revenu au logement et ont moins d’argent pour la nourriture, les médicaments, les soins aux enfants et les autres besoins. Bon nombre de ces personnes n’ont pas les moyens de se payer un logement adéquat et doivent choisir entre un logement précaire, un refuge temporaire ou un campement informel.
Formuler des recommandations aux décideurs
En mai 2023, la défenseure fédérale du logement a comparu devant le Comité permanent des ressources humaines, du développement des compétences, du développement social et de la condition des personnes handicapées (HUMA) pour parler de la financiarisation. L’étude du Comité a été lancée en réponse à une recherche commandée par le bureau du défenseur fédéral du logement sur cette question, et les chercheurs ont également participé aux travaux du comité.
La défenseure a souligné le tort réel que la financiarisation cause aux Canadiens et Canadiennes en les privant de leur droit au logement et en réduisant l’offre de logements abordables. Elle a dit que la question de la financiarisation était généralisée et qu’elle avait eu une incidence négative sur le système de logement au Canada. Elle a souligné que la financiarisation est un grave problème de droits de la personne qui a des conséquences concrètes. Enfin, elle a dit au Comité que la réduction de la financiarisation est un moyen clé par lequel les gouvernements peuvent aider à régler la crise du logement au Canada.
Le message principal de la défenseure au comité était que toutes les ressources fédérales disponibles doivent être mobilisées en priorité vers les groupes les plus défavorisés, avec tous les moyens appropriés – y compris les politiques et les lois – pour assurer un logement adéquat à ces groupes. Elle a également demandé une approche coordonnée à tous les paliers de gouvernement.
La défenseure a invité le Comité à examiner des options comme :
- Suivre la propriété du parc de logements financiarisés;
- Une meilleure surveillance des droits des locataires avant, pendant et après l’acquisition de biens afin de prévenir les expulsions, les violations des droits de la personne et le harcèlement;
- Accroître l’offre de logements hors marché;
- Réformes fiscales qui rendent la financiarisation moins rentable, en particulier pour les fiducies de placement immobilier (FPI);
- Réglementer la participation des fonds de pension qui investissent dans la financiarisation.
Commission d’examen sur la financiarisation
En 2023-2024, le Conseil national du logement a tenu sa première commission d’examen sur la financiarisation des logements en réponse à la demande de la défenseure en 2022.
Les audiences, axées sur la financiarisation des logements construits pour la location, ont porté sur des sujets tels que :
- L’impact de la financiarisation des logements construits pour la location sur la jouissance du droit fondamental à un logement adéquat et sa réalisation progressive
- Le rôle du gouvernement fédéral à cet égard, y compris les lois, les politiques, les programmes, les règlements et d’autres mesures ou inactions qui peuvent exacerber la financiarisation des logements construits pour la location et les répercussions négatives qui y sont associées.
- Des solutions relevant de la compétence du Parlement pour aborder la question de la financiarisation des logements pour protéger le droit à un logement adéquat et favoriser sa réalisation progressive au Canada, ce qui pourrait comprendre des occasions de travailler avec les gouvernements provinciaux, territoriaux et municipaux afin de prendre des mesures pour atteindre ces objectifs.
La commission d’examen est une occasion pour le public de participer et lors des audiences des organisations spécialisées dans les droits de la personne, des membres des communautés touchées et des organisations qui les représentent, ainsi que des représentants du secteur du logement locatif au Canada ont été entendus. La défenseure fédérale du logement a présenté des mémoires et des exposés lors des audiences.
La commission d’examen, qui est composée de trois membres du Conseil national du logement, devrait publier un rapport en 2024 dans lequel elle présentera son opinion et recommandera des mesures que le gouvernement du Canada devrait prendre pour régler la question de la financiarisation des logements. Le rapport sera soumis au ministre fédéral du Logement, de l’Infrastructure et des Collectivités.
En savoir plus sur la commission d’examen.
Faire respecter les droits des personnes vivant dans des campements de personnes en situation d’itinérance
La nette augmentation du nombre de campements partout au Canada est l’un des échecs les plus visibles et les plus graves des gouvernements à protéger le droit fondamental à un logement adéquat.
Le terme « campements » désigne les hébergements temporaires en plein air qui ont été mis en place sur des terrains publics ou privés. Les personnes qui vivent dans des campements se trouvent dans certaines des situations les plus précaires de notre société. Nombre d’entre elles doivent composer avec les effets combinés de la crise du logement, de la crise sanitaire provoquée par la pandémie et d’un grave ralentissement économique. Elles ont souvent subi de la discrimination liée à l’héritage historique du colonialisme, du racisme, du sexisme, du capacitisme et d’autres formes de marginalisation.
Le rapport de la défenseure sur les campements publié cette année affirme que les membres des Premières Nations, les Inuits et les Métis sont surreprésentés de manière disproportionnée parmi les personnes en situation d’itinérance et au sein de la population vivant dans des campements. Le rapport exhorte à trouver des solutions immédiates pour soutenir les résidents des campements et demande à tous les paliers de gouvernement de respecter les droits des peuples autochtones affirmés dans la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones.
En outre, nombre de services sociaux et de refuges ont atteint leur capacité maximale ou ne sont pas adaptés aux besoins individuels ou à la situation des personnes en situation d’itinérance, notamment aux personnes bispirituelles, transgenres et non binaires.
Les résidents des campements sont souvent victimes de harcèlement et de violence de la part de la police, des agents municipaux et du public. La plupart n’ont pas accès à des services de base comme l’eau potable ou le chauffage. Certaines ont subi des préjudices ou sont décédées à la suite d’une exposition aux éléments, d’un incendie, d’une surdose et d’autres menaces à leur vie et à leur sécurité.
La multiplication des campements au Canada est une question de droits de la personne qui nécessite une intervention urgente. Tous les paliers de gouvernement ont la responsabilité de trouver des solutions permanentes et adéquates en matière de logement pour toutes les personnes en situation d’itinérance.
Écouter les résidents des campements
En février 2023, la défenseure fédérale du logement a lancé un examen des campements de personnes en situation d’itinérance — le premier examen qu’elle mène concernant un problème systémique en matière de logement — pour comprendre les expériences des résidents des campements partout au pays et explorer les solutions possibles.
La défenseure a publié un rapport provisoire en octobre 2023 et un rapport final en février 2024. Le rapport résume les expériences et les informations partagées avec la défenseure lors des rencontres en personne et les 366 observations reçues de particuliers et d’organismes entre avril et juillet 2023. Le rapport final porte principalement sur les recommandations de la défenseure pour commencer à résoudre cette crise.
Le rapport provisoire reflète les expériences et les préoccupations des résidents des campements, de leurs alliés et des municipalités. La défenseure a entendu qu’il y avait un besoin urgent de solutions conçues et mises en œuvre selon une approche fondée sur les droits de la personne qui respecte les droits de la personne et la dignité des résidents des campements, tout en s’attaquant aux défaillances systémiques qui contribuent à la situation. Les personnes consultées ont mentionné à plusieurs reprises qu’il fallait changer le discours sur les campements et reconnaître que ces derniers sont le symptôme de défaillances systémiques et non la faute d’individus.
L’un des plus grands défis à relever pour régler la question des campements, c’est que les gouvernements ont adopté une approche descendante qui ne tient pas compte des points de vue des divers résidents des campements ou qui ne respecte pas leur autonomie. Pour remédier à cette situation, la défenseure a entendu de nombreuses solutions possibles directement des personnes qui ont vécu dans des campements. Pour examiner ces solutions, une approche pangouvernementale sera nécessaire en raison de la complexité des questions. Par exemple, les municipalités sont la première ligne de réponse en cas de campements, mais elles ne sont souvent pas habilitées et ne disposent généralement pas de ressources suffisantes pour faire face aux crises complexes du logement et de la santé publique qui prennent de l’ampleur dans leurs collectivités.
Le rapport provisoire jette les bases d’une réflexion plus approfondie et d’une mobilisation des détenteurs de droits, des défenseurs, des gouvernements autochtones et des organismes qui représentent les Autochtones, ainsi que des gouvernements provinciaux, territoriaux, municipaux et fédéral. Ces discussions ont contribué à étayer les conclusions et les recommandations du rapport final de la défenseure.
Défendre les droits des résidents des campements
En février 2024, la défenseure a publié son rapport final sur les campements, dans lequel elle plaide en faveur d’une réponse nationale à la crise des droits de la personne à laquelle sont confrontées les personnes vivant dans des campements.
Les campements ne sont pas une solution de logement sûre ou durable. Pour les gens qui y vivent, chaque jour est une question de vie ou de mort.
Le rapport jette un regard sur les facteurs conduisant à l’augmentation du nombre de campements et de leur taille au Canada et, ce qui est encore plus important, les mesures concrètes qui doivent être prises par les gouvernements pour assumer leurs responsabilités en matière de droits de la personne afin de réduire ou d’éliminer le besoin de campements. Le rapport comprend des recommandations à l’intention du gouvernement fédéral ainsi que des administrations municipales et des gouvernements provinciaux et territoriaux.
Le rapport final de la défenseure a lancé un appel urgent à l’action aux gouvernements à tous les niveaux pour qu’ils respectent les droits de la personne et le droit au logement des résidents des campements.
La défenseure a recommandé au gouvernement fédéral d’établir un Plan national d’intervention sur les campements d’ici le 31 août 2024. Le plan doit inciter tous les paliers de gouvernement à prendre des mesures urgentes pour :
Permettre d’agir immédiatement pour sauver des vies, notamment en veillant à ce que les personnes vivant dans des campements aient accès aux produits de première nécessité dont elles ont besoin pour survivre et vivre dans la dignité.
Cela comprend l’accès à de l’eau potable, des services sanitaires, de la nourriture, du chauffage et à la climatisation, de l’aide à l’accessibilité, des soins de santé et des mesures de réduction des méfaits.
Mettre fin aux expulsions forcées des campements et mettre en place des alternatives aux démantèlements des campements conçues à la suite d’une mobilisation significative des résidents des campements.
Les expulsions forcées des campements augmentent l’insécurité des personnes et les exposent à un risque accru de préjudice et de violence. Le rôle des policiers et des agents chargés de faire appliquer les règlements devrait être mis en arrière-plan dans les réponses aux campements.
Travailler avec tous les gouvernements et apporter un soutien aux municipalités.
Organiser immédiatement des réunions avec les responsables des provinces, des territoires et des municipalités afin de coordonner la réponse de l’ensemble des paliers gouvernementaux. Inclure des cibles et des échéanciers clairs pour le Plan national d’intervention sur les campements.
- Respecter les droits inhérents des peuples autochtones, y compris ceux reconnus dans la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones. Reconnaître la compétence des gouvernements autochtones pour déterminer, développer et administrer des programmes et des services liés au logement et à l’itinérance. Les gouvernements des Premières Nations, Inuits et Métis ainsi que les organisations qui les représentent doivent être pleinement soutenus pour développer et fournir des logements déterminés par les communautés elles-mêmes et culturellement adaptés à celles-ci, ainsi que des services et des aides connexes, y compris dans les centres urbains.
Respecter et faire respecter les droits de la personne, y compris le droit à un logement adéquat.
Développer et financer immédiatement des solutions et des soutiens adéquats en matière de logement afin que les personnes vivant dans des campements puissent être relogées aussi rapidement que possible.
Offrir aux personnes des options de logement permanent aussi rapidement que possible.
Développer et financer immédiatement des solutions et des soutiens adéquats en matière de logement afin que les personnes vivant dans des campements puissent être relogées aussi rapidement que possible.
- S’attaquer aux causes profondes des campements.
Le Canada a la capacité de résoudre cette crise. Les résidents des campements savent ce qu’il faut pour répondre à leurs besoins les plus pressants. Ce qui manque, c’est une volonté politique, des ressources et une coordination suffisantes entre les gouvernements, ainsi que l’engagement à mobiliser de façon significative les résidents des campements.
Cette crise nationale exige une intervention nationale.
Les rapports provisoire et final sur les campements constituent le premier examen mené par la défenseure d’un problème systémique en matière de logement – un moment historique pour faire avancer le droit fondamental au logement au Canada.
Le droit au logement des peuples autochtones
Dans le territoire qui constitue maintenant le Canada, les peuples autochtones, y compris les Premières Nations, les Inuits et les Métis, se heurtent à des défis persistants pour accéder à tous les éléments du droit fondamental à un logement adéquat. Cette situation est attribuable à la violence coloniale continue, au racisme, au manque de reconnaissance et de soutien à l’égard du logement autodéterminé et d’autres droits inhérents et à un manque de financement fédéral à long terme suffisant pour répondre aux besoins en matière de logement.
Les peuples autochtones ont un droit inhérent à l’autonomie gouvernementale et au contrôle des programmes de logement. La Loi sur la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones (LDNUDPA) oblige le gouvernement fédéral du Canada à assurer la pleine mise en œuvre de la Déclaration en veillant à ce que les lois, les règlements et les politiques au niveau fédéral soient conformes aux droits énoncés dans la Déclaration.
Malgré le fait que cet engagement soit inscrit dans la LDNUDPA, les peuples autochtones vivent tout de même une crise du logement, ce qui constitue par définition une violation de leurs droits de la personne.
Il est important de reconnaître les politiques et les systèmes coloniaux qui perpétuent la dépossession et la violence, conduisant à l’itinérance et au logement inadéquat chez les peuples autochtones. Les peuples autochtones ne sont pas homogènes, et les communautés et les membres des Premières Nations, des Inuits et des Métis font face à différents problèmes de logement. Ce qu’ils ont en commun, c’est que les problèmes systémiques de précarité du logement — tant sur les terres visées par les traités que sur les territoires traditionnels et dans d’autres régions rurales et urbaines — découlent d’une histoire marquée par le colonialisme, les politiques fédérales génocidaires du passé, les relocalisations forcées et la violence coloniale et l’exclusion, comme le système de protection de l’enfance.
La défenseure et son équipe collaborent avec les dirigeants des Premières Nations, des Inuits et des Métis pour mettre en évidence les problèmes auxquels sont confrontées les communautés autochtones partout au pays et pour surveiller la mise en œuvre des recommandations conjointes que nous formulons.
Plaider aux côtés des peuples autochtones
En 2023-2024, la défenseure fédérale du logement a collaboré avec les dirigeants et les communautés autochtones pour recenser leurs besoins les plus urgents en matière de logement et demander au gouvernement de prendre des mesures pour y répondre.
Nunatsiavut et Nunavut
La crise du logement à laquelle sont confrontés les Inuits est le résultat direct du colonialisme et de l’incapacité stupéfiante des gouvernements fédéraux, provinciaux et territoriaux qui se sont succédé pendant de nombreuses décennies à investir dans le droit des Inuits à un logement adéquat et à le respecter.
En novembre 2023, la défenseure fédérale du logement a publié un rapport sur les conditions de logement des Inuits, en partenariat avec les dirigeants du Nunatsiavut et de Nunavut Tunngavik Inc. (NTI), pour souligner le besoin urgent de solutions à la crise du logement dans les communautés inuites.
Le rapport faisait suite à la visite de la défenseure au Nunatsiavut, une région autonome revendiquée par les Inuits du Labrador, et au Nunavut en octobre 2022, où elle a entendu directement les membres de la communauté parler de la crise du logement. De nombreuses personnes lui ont dit que les conditions de logement actuelles sont directement liées à des histoires de déplacements forcés et de violence coloniale, ainsi qu’à des décennies de sous-financement et de négligence du gouvernement.
Lors du lancement du rapport, qui contenait des recommandations élaborées conjointement à l’intention des gouvernements, la défenseure et les dirigeants inuits ont rencontré le gouvernement fédéral et le gouvernement provincial de Terre-Neuve-et-Labrador pour susciter des actions pour trouver des solutions. Les discussions avec le gouvernement territorial du Nunavut devraient avoir lieu plus tard en 2024.
La défenseure a dit au gouvernement fédéral qu’en raison d’une grave pénurie de logements adéquats, de nombreuses personnes au Nunatsiavut et au Nunavut n’ont pas du tout accès à un logement. Certaines sont sur des listes d’attente depuis des années. L’ampleur de l’itinérance est masquée par les niveaux élevés de surpeuplement et dans le nombre d’Inuits qui sont forcés de quitter leur communauté d’origine.
Les Inuits qui ont un logement se voient souvent refuser la sécurité d’occupation. Selon le Conseil exécutif du Nunatsiavut, 78 % de la population n’a pas accès à une assurance habitation. Les Inuits des deux régions sont confrontés à un manque d’accès aux services financiers en général, à des coûts hypothécaires élevés et à des prêts abusifs menant à l’endettement, au défaut de paiement et à la perte de maisons.
Les premières réactions à ce travail sont encourageantes; les gouvernements du Nunavut et de Terre-Neuve-et-Labrador ont accepté les recommandations et convenu d’élargir les possibilités de logement pour les Inuits.
Nation métisse de la Saskatchewan
De nombreux Métis de la Saskatchewan sont surreprésentés de façon disproportionnée dans la population non logée et de celle qui vit dans des conditions de logement précaires.
En juillet 2023, la défenseure fédérale du logement a été invitée par la Nation métisse de la Saskatchewan à se concentrer sur les systèmes locaux de logement et de lutte contre l’itinérance. Elle a visité des communautés et rencontré des organisations qui s’emploient à répondre aux besoins urgents en matière de logement dans le territoire des Métis de la Saskatchewan.
La défenseure a rencontré de nombreux Métis de la Saskatchewan qui vivent dans une pauvreté extrême et subissent des traumatismes – c’est le résultat du racisme systémique ancré dans les institutions publiques, du colonialisme et des déplacements forcés. Elle a entendu parler des répercussions que la rupture des liens culturels entraînée par les pensionnats, la rafle des années 1960 et le nombre toujours disproportionné d’arrestations d’enfants a eues sur les communautés. Les taux élevés de toxicomanie et de violence que connaissent les gens dans ces communautés sont le résultat direct du racisme systémique profondément ancré dans les institutions gouvernementales.
La qualité et l’habitabilité des logements dans les établissements métis varient considérablement. De nombreuses maisons sont vieilles et ont besoin d’un entretien et de réparations coûteuses. Par exemple, le coût exorbitant du chauffage de ces maisons, comparativement à celui des grands centres urbains de la province, est le résultat de deux facteurs : le coût de l’électricité est beaucoup plus élevé dans les régions éloignées de la province; et il y a un besoin urgent d’apporter des améliorations aux immobilisations pour réduire au minimum la perte de chaleur.
Par conséquent, la défenseure et la Nation métisse de la Saskatchewan ont entrepris ensemble un examen systémique de l’expérience des Métis en matière de conditions de logement, de précarité du logement et d’itinérance dans les établissements métis de la province de la Saskatchewan. Le rapport devrait être remis au gouvernement fédéral au cours du prochain exercice.
Obstacles au logement pour les femmes et les personnes de diverses identités de genre
Au Canada, les femmes et les personnes bispirituelles, trans et non binaires font face à des obstacles uniques et sexospécifiques à un logement adéquat. Souvent, ces obstacles forcent de nombreuses personnes à recourir à des stratégies de survie dangereuses ou à demeurer dans des situations de maltraitance pour garder un toit au-dessus de leur tête.
Les femmes cisgenres, trans et les autres femmes issues de la diversité ont de nombreux problèmes de logement spécifiques en commun, notamment la discrimination fondée sur le genre et la misogynie, les expériences disproportionnées de violence sexuelle et conjugale, l’écart salarial entre les sexes et la probabilité accrue qu’elles soient à la tête d’un ménage monoparental.
Les femmes autochtones et les Autochtones bispirituels et de diverses identités de genre connaissent une grave pénurie de logements adéquats dans les réserves, ainsi que des obstacles uniques au logement hors réserve.
Parallèlement, les personnes bispirituelles, trans, non binaires et les autres personnes de diverses identités de genre sont surreprésentées dans presque tous les aspects de l’insécurité du logement, de l’itinérance et de la pauvreté, ainsi que dans la violence et les traumatismes qui y sont associés. Les refuges d’urgence excluent souvent les personnes de diverses identités de genre parce qu’ils sont conçus en fonction du modèle binaire des genres, et les personnes de diverses identités de genre subissent souvent de la transphobie, de l’homophobie et de la discrimination dans un environnement de refuge.
Ces divers groupes de personnes ont en commun la discrimination et le manque de sécurité auxquels ils font face pour accéder à un logement locatif abordable et adapté, ainsi que les obstacles à l’accès à des refuges et à des services inclusifs dans les secteurs de l’itinérance ou de la violence fondée sur le genre.
Pour éliminer l’itinérance sexospécifique, il faut des ressources ciblées et des solutions autodéterminées pour régler les problèmes systémiques intersectionnels en matière de logement pour les femmes et les personnes de diverses identités de genre.
Plaider en faveur d’un logement adéquat pour les femmes et les personnes de diverses identités de genre
En mai 2023, la défenseure fédérale du logement a demandé que le Conseil national du logement établisse une commission d’examen afin de tenir une audience sur l’incapacité de prévenir et d’éliminer l’itinérance chez les femmes et les personnes de diverses identités de genre, en particulier les femmes, les personnes trans, bispirituelles et de diverses identités de genre autochtones. La demande de la défenseure s’appuyait sur des observations qui lui ont été soumises par le National Indigenous Feminist Housing Working Group et le Women’s National Housing and Homelessness Network. Le Conseil national du logement devrait lancer la commission d’examen en 2024.
La commission d’examen examinera les raisons pour lesquelles l’itinérance chez les femmes et les personnes de diverses identités de genre continue de s’aggraver. Conformément aux exigences de la Loi sur la stratégie nationale sur le logement, la commission d’examen tiendra une audience de manière à donner au public, notamment aux détenteurs de droits les plus directement touchés par des questions systémiques comme les femmes, les personnes bispirituelles et les personnes de diverses identités de genre autochtones, etc., l’occasion de participer.
La commission d’examen, qui sera composée d’au plus trois membres du Conseil national du logement, présentera au gouvernement du Canada un rapport contenant des recommandations visant à remédier à l’échec de l’élimination de l’itinérance chez les femmes et les personnes de diverses identités de genre.
Le droit à un logement adéquat des personnes en situation de handicap
L’accès au logement est un droit de la personne. Or, le logement est plus qu’un simple endroit où vivre. Pour les personnes en situation de handicap, cela signifie également qu’elles peuvent choisir où vivre. Cela signifie avoir une maison sûre et accessible, et avoir accès à des mesures de soutien pour pouvoir vivre de façon autonome et dans la dignité.
Les personnes en situation de handicap au Canada sont confrontées à de nombreux obstacles en matière de logement. De nombreuses personnes en situation de handicap sont contraintes de vivre dans des établissements institutionnels. D’autres ne peuvent pas obtenir le soutien dont elles ont besoin pour vivre de manière indépendante. Peu de logements sûrs et accessibles sont disponibles. Certaines personnes ont du mal à payer leur loyer. Souvent, des gens se retrouvent en situation d’itinérance à cause de ces obstacles. Il y a même des cas où des personnes en situation de handicap choisissent l’aide médicale à mourir (AMM) parce qu’elles n’ont pas accès à un logement qui répond à leurs besoins. Cela doit changer.
La Convention relative aux droits des personnes handicapées (CDPH) stipule que les personnes en situation de handicap doivent avoir un accès égal au logement et qu’elles ont le droit de vivre de manière indépendante et de participer à leur communauté. Le Canada a accepté de respecter la CDPH. Entre-temps, le Canada convient que tout le monde a droit à un logement sûr, accessible, abordable et inclusif. Ce droit est inscrit dans la Loi sur la stratégie nationale sur le logement.
La Commission canadienne des droits de la personne est chargée de surveiller la façon dont le Canada met en œuvre la CDPH et d’identifier les obstacles qui demeurent pour les personnes en situation de handicap. La défenseure fédérale du logement est chargée de veiller à ce que le Canada respecte et fasse progresser le droit au logement pour tous et toutes au Canada.
Cadre de surveillance
En 2023-2024, la défenseure fédérale du logement a collaboré avec le Mécanisme national de surveillance pour la mise en œuvre de la CDPH de la Commission canadienne des droits de la personne afin d’élaborer un cadre pour surveiller le droit au logement des personnes en situation de handicap au Canada.
La Commission et le bureau du défenseur du logement ont élaboré un cadre global pour suivre les données existantes, les efforts politiques et les ressources gouvernementales pour avoir une idée plus claire de cette question. Ce cadre de surveillance est le premier du genre dans le monde. Il a été élaboré avec la participation de personnes en situation de handicap et de personnes ayant une expérience vécue de l’itinérance et des logements inadéquats.
Le cadre nous aidera à mieux comprendre ce problème et à trouver des solutions. L’objectif est d’identifier les obstacles auxquels les personnes en situation de handicap sont confrontées lorsqu’elles tentent de satisfaire leurs besoins en matière de logement. Il permettra également surveiller les mesures prises par le Canada pour améliorer cette situation. Ces renseignements aideront la défenseure à plaider en faveur d’un changement positif.
En savoir plus sur le cadre de surveillance et ses observations.
Écouter et apprendre
Écouter les gens est un aspect important de notre travail au bureau du défenseur fédéral du logement. Cela nous aide à comprendre les problèmes qui touchent les gens en matière de logement et d’itinérance. Cela permet également de trouver des solutions qui répondent aux besoins des personnes.
Grâce à l’outil d’observations en ligne de la défenseure fédérale du logement, toute personne au Canada ayant été confrontée à un logement inadéquat ou à l’itinérance peut soumettre une observation et faire part de son expérience à la défenseure. Les organisations peuvent également utiliser la plateforme d’observations en ligne pour soumettre des renseignements pertinents à la défenseure.
Bien que la défenseure n’intervienne pas dans les cas individuels, le processus d’observations l’aidera à prendre conscience des problèmes et à amplifier la voix des personnes qui vivent dans des logements inadéquats ou qui sont en situation d’itinérance.
Depuis le 1er avril 2023, 37 personnes qui ont vécu dans des logements inadéquats ou en situation d’itinérance ont fait part de leur situation à la défenseure. En outre, 13 organisations ont fait part de leur expérience.
En plus du processus général d’observations en ligne, l’an dernier, nous avons créé un nouvel outil pour inviter les gens à soumettre des observations sur le thème des campements afin de contribuer à l’examen de cette question par la défenseure. Nous avons reçu plus de 350 observations de personnes et d’organisations au Canada ayant une expérience des campements.
Toutes ces observations aideront la défenseure à mieux comprendre les problèmes systémiques en matière de logement au Canada et ont été prises en compte dans le présent rapport pour amplifier les voix des personnes touchées par les logements inadéquats et l’itinérance, ainsi que pour orienter notre travail sur des questions clés.
Observations concernant les campements de personnes en situation d’itinérance
Depuis le lancement de l’examen des campements en avril 2023, 322 personnes ayant vécu dans des campements de personnes en situation d’itinérance ont fait part de leur expérience à la défenseure fédérale du logement. En outre, 53 organisations ont fait part de leurs expériences et de leurs observations. Il s’agit notamment de travailleurs de première ligne, de fonctionnaires et de travailleurs municipaux, de défenseurs des droits et de membres de la communauté. Nous avons reçu des observations de la plupart des provinces et des territoires, mais la majorité provenait de la Colombie-Britannique (146), de l’Ontario (120), du Québec (44), du Nouveau-Brunswick (19) et de l’Alberta (11).
Voici un résumé des principales questions dont nous avons entendu parler :
Le manque de services de base : De nombreux participants ont indiqué qu’ils n’avaient pas d’endroit pour se doucher, utiliser la salle de bain, accéder à de l’eau propre ou ranger leurs affaires.
En outre, les participants ont évoqué le manque d’accès à des aliments sains, à des vêtements, au ramassage des ordures, à des tentes ou à des bâches pour se protéger des éléments, à des couvertures, à du matériel de premiers soins, à la disposition des aiguilles, à du matériel de cuisine, à des endroits pour faire la lessive, à des extincteurs et à l’électricité.
Expulsions et démantèlements des campements : Nous avons entendu parler des expériences négatives de personnes vivant dans des campements avec des expulsions et des démantèlements des campements. Cela comprend la saisie et l’élimination de systématiques des leurs biens, y compris des pièces d’identité, des tentes, des albums de photos, de l’argent et des vêtements, et leur déplacement sans qu’aucune solution de relogement adéquat ne leur soit proposée.
Dans bon nombre des cas d’expulsions et de démantèlements des campements, les résidents font face à des traitements cruels, inhumains et dégradants de la part des travailleurs de la ville, des agents chargés de faire appliquer les règlements et des policiers. De nombreux participants ont raconté avoir été confrontés à la violence, au harcèlement, à l’intimidation et à des menaces constantes d’incarcération de la part des agents chargés de faire appliquer les règlements et des policiers. Plusieurs travailleurs sociaux et organisations ont mentionné que la police provoque une réaction traumatique chez de nombreuses personnes qui sont ou qui ont été en situation d’itinérance.
Des refuges d’urgence inadéquats : De nombreux participants ont déploré le manque de capacité des refuges, ainsi que les obstacles qui rendent les refuges inappropriés et inaccessibles pour de nombreuses personnes en situation d’itinérance. Bon nombre d’entre eux ont déploré le fait que les refuges ne permettent pas de maintenir des conditions de vie dignes, comme l’intimité ou des façons de verrouiller des objets de valeur.
Les refuges d’urgence dotés de règles strictes limitent également la liberté de mouvement et l’accès au soutien, comme les amis et la famille. En outre, les refuges n’offrent pas d’espace pour les animaux de compagnie. De nombreux participants ont déclaré être confrontés à de graves problèmes de sécurité lorsqu’ils vivent dans des refuges. Les participants ont souvent comparé les refuges à des prisons.
Les refuges fournissent un service critique, mais ils sont sous-financés, ils fonctionnent au-delà de leur capacité et le taux de roulement du personnel est élevé. Beaucoup ont également signalé un manque de ressources d’urgence pour les femmes et les personnes 2ELGBTQQIA+. Les ressources traditionnelles nécessitent une classification sexuée en fonction des données figurant sur les cartes d’identité. Plusieurs entrevues ont mis en lumière le fait qu’il n’y a pas suffisamment d’endroits sûrs pour les femmes, les personnes de diverses identités de genre et les personnes fuyant la violence.
Sûreté et sécurité : Les participants ont raconté des histoires et des incidents survenus dans des campements où ils ont subi des violences et des menaces pour leur sécurité. Bon nombre d’entre eux ont également parlé de leurs conditions de vie, comme les durs mois d’hiver et le danger des incendies.
En même temps, ces participants ont défini les campements comme l’endroit le plus sûr pour eux. Ils ont reconnu la violence dans les campements, mais ils considèrent qu’il est plus dangereux d’être seul dans la rue ou dans certaines situations de logement temporaire, comme les refuges et les chambres individuelles. Plus important encore, ils considèrent les campements comme un lieu qui offre une communauté, un soutien et une sécurité à la plupart des personnes qui y vivent.
Les questions de santé, de santé mentale et de toxicomanie : Certains participants ont raconté comment ils sont devenus des personnes en situation d’itinérance, y compris les expulsions par les propriétaires, l’expulsion du foyer familial, la violence familiale, les problèmes de toxicomanie, les familles violentes, la libération des établissements correctionnels ou des hôpitaux sans soutien, la pauvreté, la dépression, etc.
Les participants qui vivent aujourd’hui dans des campements ont été et sont encore confrontés à des traumatismes ou à des maladies mentales sans avoir accès à un traitement ou à un soutien. Le manque de services d’aide aux toxicomanes, de services de santé mentale et de services communautaires constitue un obstacle pour ces personnes.
De nombreux participants évoquent également le niveau de stress et d’anxiété auquel ils sont confrontés lorsqu’ils vivent à l’extérieur. Le fait de vivre sous la menace constante d’une expulsion ou de faire face à l’hostilité a de graves conséquences sur la santé physique et mentale des résidents des campements.
Discrimination et harcèlement de la part du public : Les participants ont mentionné 60 fois qu’ils se sentaient constamment jugés, discriminés et harcelés dans la rue ou dans les magasins par le public et par la police ou d’autres autorités.
Certains participants qui ont vécu dans des campements disent qu’ils sont constamment considérés comme des criminels par le public parce qu’ils sont pauvres ou itinérants et que la police incrimine les personnes en situation d’itinérance parce qu’ils vivent dans la pauvreté.
Beaucoup ont dit être faussement accusés de voler dans les magasins et les restaurants parce qu’ils étaient itinérants.
On rapporte également que la haine croissante à l’égard des résidents des campements est de plus en plus présente sur les médias sociaux et dans les médias grand public. Des personnes publient des photos de personnes en situation d’itinérance dans des campements sans leur consentement.
Un sentiment de communauté et d’appartenance : Quarante et un participants ont indiqué qu’ils voyaient les campements comme un endroit qui offre un sentiment de communauté, ainsi que de la sécurité et du soutien à la plupart des gens qui y vivent.
Les résidents des campements établissent un réseau de soutien en dehors des systèmes traditionnels – ils peuvent partager leurs ressources, cuisiner ensemble et compter les uns sur les autres pour survivre chaque jour. Les personnes en situation d’itinérance développent un sentiment profond de sécurité, de communauté et de liberté dans les campements qu’on ne peut pas trouver ailleurs en étant en situation d’itinérance.
Un participant a fait la déclaration suivante : « J’ai été en situation d’itinérance pendant huit ans. Sans le soutien de mes pairs, je ne serais pas en vie aujourd’hui, la communauté du campement m’a donné un sentiment d’appartenance. Nous nous écoutions et prenions soin les uns des autres. »
Le manque d’assistance et de services intégrés : Il y a eu plus de 30 références au manque d’assistance et de services intégrés offerts à l’intérieur et autour des campements. Les participants qui aimeraient trouver un logement ont de la difficulté à trouver de l’aide ou se retrouvent sur des listes d’attente pour un logement. Les participants mentionnent également le manque de soutien social, sanitaire, mental et juridique dont ils auraient besoin.
Des services sont parfois disponibles, mais les personnes vivant dans des campements sont souvent déplacées et poussées dans des endroits éloignés, notamment lors des expulsions des campements. Cela rend les services trop éloignés pour être accessibles à pied, surtout s’ils doivent transporter leurs effets personnels. Plusieurs entrevues ont mis en lumière le fait que les résidents des campements ne savent pas où ni comment obtenir l’aide dont ils ont besoin.
Les participants ont également proposé plusieurs solutions, notamment :
- Une mobilisation significative : Plus de 70 participants ont fait référence au fait qu’ils aimeraient que leurs droits soient respectés et qu’ils veulent que leur opinion, leur vie privée et leur autonomie soient respectées.
- Accès à la terre et aux services de base : Plus de 160 participants ont fait référence au besoin de services de base comme l’eau potable, les toilettes, les douches, les produits d’hygiène, la collecte des ordures, les casiers d’entreposage, les installations de cuisine, les vêtements chauds – surtout en hiver – l’électricité et l’accès aux terres. Ces services devraient également être disponibles 24 heures sur 24, 7 jours sur 7, et surtout la nuit, lorsque les résidents en ont le plus besoin.
Cesser les expulsions et les démantèlements des campements : Les personnes qui vivent dans des campements comptent les uns sur les autres et sur la sensibilisation de la communauté pour survivre au jour le jour. La police brise ces liens cruciaux lorsqu’elle démantèle les campements, infligeant souvent des mauvais traitements et des dommages physiques à la communauté non logée.
Parmi les solutions, mentionnons la mise en place d’interventions urgentes en matière de logement dans les villes pour aider les personnes en situation d’itinérance à sortir de l’itinérance. Les travailleurs de proximité et les travailleurs de première ligne devraient aider les personnes vivant dans des campements lorsqu’une relocalisation du campement est nécessaire. La police ne doit pas être impliquée.
Soutien et services en matière de santé, de santé mentale et de toxicomanie : Parmi les 330 participants, nous avons trouvé 109 références pour plus de soutien en santé mentale, l’accès aux soins de santé, la gestion des surdoses (comme la naloxone), le rétablissement après un traumatisme, le soutien à la consommation de substances ou des formes de protection contre le froid extrême et la chaleur extrême.
Ce soutien permettrait aux personnes de créer un environnement sécuritaire pour eux-mêmes et pour les autres, et permettrait aux villes de travailler activement sur le manque de logements propres et supervisés, la crise des surdoses et la sécurité. D’autres ont exprimé le désir d’être mis en contact avec une équipe de santé mentale et des infirmières praticiennes.
- Plus de services intégrés et de travailleurs de première ligne : Il est essentiel d’assurer une réponse intégrée entre les systèmes de santé et de logement pour régler la question des campements et de l’itinérance en général en vue d’assurer la stabilité du logement. Il faut augmenter les taux d’aide sociale pour répondre aux besoins fondamentaux des gens. Un soutien social et communautaire est nécessaire chaque jour pour aider les personnes en situation d’itinérance à surmonter les obstacles. On a besoin de travailleurs communautaires qualifiés qui ont accès à des soutiens appropriés, et il faut d’abord et avant tout un logement permanent.
- Édification de communautés : Les résidents des campements et les travailleurs de première ligne souhaitent favoriser les liens et la résolution des conflits avec les voisins des campements. Les municipalités peuvent contribuer à résoudre ce problème en organisant des rassemblements communautaires pour permettre aux gens de se rencontrer, ou en fournissant des ressources aux groupes communautaires et aux organisations travaillant avec les personnes non logées pour qu’ils organisent de tels rassemblements et invitent les voisins à établir des liens, à prendre conscience de la situation et à se comprendre.
Plus d’options de logement abordable et accessible : Les participants ont indiqué que pour avoir plus de logements abordables, nous devons d’abord reconnaître l’échec politique et le devoir de défendre le droit au logement. Les gens ne devraient pas être punis pour avoir créé des campements en réponse au fait que la société ne respecte pas leur droit à un logement.
De nombreux appels ont été lancés pour que tous les paliers de gouvernement investissent davantage dans des solutions de logement complètes pour les personnes vivant dans des campements, dont :
- Logement abordable
- Logement supervisé largement accessible
- Logements appropriés et durables
- Logements abordables pour personnes âgées
Plus de sensibilisation du public sur l’itinérance et les campements : Les participants à l’examen des campements ont demandé que des campagnes nationales de sensibilisation du public plus faciles à comprendre décrivent le logement comme un droit de la personne. Ils croient que cela pourrait aider à accroître la compréhension et la sensibilisation. Il faut aussi améliorer la compassion et l’empathie chez les membres de la communauté pour mettre fin à la violence ciblée contre les campements et le personnel de soutien.
On demande également que tous les paliers de gouvernement, l’administration et les fournisseurs de services participent à une formation qui comprend : Réconciliation, histoire autochtone, réduction des méfaits et soins tenant compte des traumatismes.
Mobilisation des ressources et du financement : Certains participants ont exprimé le désir d’obtenir plus de financement des gouvernements fédéral et provinciaux pour les municipalités et les organismes communautaires. D’autres veulent des investissements importants dans des approches de prévention en amont pour que les gens soient moins susceptibles de vivre les conditions qui mènent souvent à l’itinérance.
De plus, nombreux sont ceux qui réclament des fonds pour la construction et la rénovation de tous les types de logements et de soutien, y compris de vrais logements abordables, des logements à but non lucratif, des logements sociaux et des refuges d’urgence, dans le but précis de sortir les gens du cycle de l’itinérance.
S’exprimer
La défenseure et son bureau s’expriment pour que les Canadiens et Canadiennes, les décideurs et les défenseurs des droits de la personne de partout au pays se joignent à nous pour remédier aux problèmes systémiques en matière de logement dans l’ensemble du pays. La défenseure se fait également l’écho des personnes en situation d’itinérance et de logement inadéquat afin que leurs points de vue soient entendus.
Cette année, nous avons sensibilisé la population et partagé l’expérience des gens en nous exprimant dans les médias, en ligne et en personne.
Dans l’actualité
L’année dernière, la défenseure fédérale du logement a été citée dans plus de 400 publications dans les médias, à la télévision, à la radio et dans la presse écrite.
Oui, c’est normal d’être en colère contre les campements de personnes en situation d’itinérance
En février 2024, la défenseure fédérale du logement a publié une lettre d’opinion dans le Ottawa Citizen, appelant au respect et à la compréhension à l’égard des campements au Canada. L’itinérance n’est pas un phénomène nouveau, ce qui l’est par contre c’est d’aborder la question selon une approche axée sur les droits de la personne. C’est ainsi que le Canada arrivera à faire une différence durable dans la lutte contre l’itinérance.
La défenseure a demandé au gouvernement fédéral de mettre en œuvre de toute urgence une réponse nationale aux campements, soit d’ici le 31 août 2024. La réponse doit être fondée sur le respect des droits de la personne. Ce que nous devons faire, c’est écouter les résidents des campements pour nous assurer de répondre à leurs besoins et de leur trouver un logement permanent et adéquat. Nous avons besoin de coordination, de nouvelles ressources et de volonté politique. Et tout le monde doit être à la table. Il est temps d’agir.
Lire l’article complet (en anglais): Houle: Yes, you should be angry about homeless encampments.
Prioriser les personnes plutôt que les profits, la clé pour tirer un trait sur la crise du logement
En septembre 2023, la défenseure fédérale du logement a publié une lettre d’opinion dans Le Devoir, demandant au gouvernement fédéral de prendre les choses en main et créer des logements qui priorisent le droit fondamental des personnes au logement plutôt que les profits. Pour sortir de la crise du logement, il faut absolument miser sur les logements hors marché.
La défenseure a recommandé que l’ensemble des programmes de la Stratégie nationale sur le logement, dont le financement s’élève à 82 milliards de dollars, change de cap pour donner la priorité à la construction de logements hors marché. Plus précisément, elle a conseillé au gouvernement fédéral de créer un fonds pour permettre aux fournisseurs de logements hors marché et autochtones d’acheter, de réparer et d’exploiter les bâtiments existants. Enfin, le gouvernement fédéral doit assujettir le financement des infrastructures fédérales à des conditions imposant la création de logements hors marché dans les nouveaux projets immobiliers.
Lire l’article complet : Prioriser les personnes plutôt que les profits, la clé pour tirer un trait sur la crise du logement.
Le rapport de la défenseure fédérale du logement réclame une réponse nationale à la crise des campements
En février 2024, la défenseure fédérale du logement a lancé un rapport final sur les campements au Canada qui réclamait une réponse nationale à la crise des droits de la personne qui frappe les personnes vivant dans les campements.
La défenseure a recommandé au gouvernement fédéral d’établir un plan d’intervention national sur les campements d’ici le 31 août 2024. Le plan doit inciter tous les paliers de gouvernement à prendre rapidement des mesures qui permettront d’agir immédiatement pour sauver des vies, mettront fin aux expulsions forcées des campements, permettront de travailler avec tous les gouvernements, respecteront les droits de la personne et les droits inhérents des peuples autochtones, offriront aux personnes des options de logement permanent aussi rapidement que possible et s’attaqueront aux causes profondes des campements.
Cette crise nationale exige une intervention nationale.
À ce jour, le rapport a fait l’objet de plus de 50 reportages dans tout le pays par les principaux organes de presse. Cette couverture très visible du rapport a d’atteindre un nombre important de personnes à travers le Canada afin de les sensibiliser aux droits de la personne et aux campements.
Lire le communiqué de presse complet : Le rapport de la défenseure fédérale du logement réclame une réponse nationale à la crise des campements.
Établir des liens
L’année dernière, la défenseure fédérale du logement a participé à 124 événements partout au Canada, lors desquels elle a prononcé des discours, échangé avec des intervenants ou effectué des visites de sites.
En collaborant avec d’autres organisations dans les secteurs du logement et de l’itinérance, la défenseure fédérale du logement peut établir de véritables liens avec les gens et combiner les efforts de défense des droits. L’année dernière, la défenseure a pris la parole lors de plus de 15 événements, où elle a abordé des thèmes clés comme la défense des droits, le logement en tant que droit de la personne et la collaboration à tous les niveaux pour trouver des solutions.
En voici quelques-uns :
- Le Symposium organisé par le Pan-Canadian Voice for Women’s Housing
- La Journée de l’habitation sur la Colline, un événement sur la Colline du Parlement qui réunit des gens en première ligne de la crise du logement avec des députés et des décideurs
- L’Assemblée des Premières Nations de la Colombie-Britannique
- Le John Humphrey Centre for Peace and Human Rights
- Le Groupe progressiste du Sénat
- Une discussion virtuelle sur un plan d’intervention national sur les campements avec le National Right to Housing Network
Journée nationale de l’habitation
À l’occasion de la Journée nationale de l’habitation, le 22 novembre 2023, la défenseure fédérale du logement a organisé un événement en ligne, Comment maximiser les fonds publics pour le bien public, pour fournir un examen approfondi des solutions fondées sur les droits de la personne pour l’offre de logements.
La défenseure était accompagnée d’un groupe de conférenciers experts :
- Dre Carolyn Whitzman, défenseure du droit au logement, chercheuse et professeure à l’Université d’Ottawa
- Margaret Pfoh, directrice générale de l’Aboriginal Housing Management Association
- Stéphan Corriveau, directeur général du Centre de transformation du logement communautaire
- Olga Tasci, directrice générale de l’Agence des coopératives d’habitation
La table ronde virtuelle a permis une discussion importante sur l’utilisation des cadres des droits de la personne et des droits des Autochtones pour illustrer pourquoi le logement hors marché est si important.
Les panélistes ont également fourni des exemples concrets et des solutions à apporter aux détenteurs d’obligations pour élaborer des solutions de logement hors marché, notamment en veillant à ce que nous ayons le bon type d’offre de logement qui est abordable de façon permanente.
Un rapport sur ce que nous a appris le panel a été élaboré afin de fournir des conseils conformes aux normes des droits de la personne pour alimenter les conversations politiques sur l’augmentation des logements hors marché.
Nous espérons que ce rapport pourra servir d’outil pour entamer un dialogue direct avec un plus grand nombre d’experts du secteur hors marché ce que les gouvernements peuvent faire pour soutenir le secteur du logement hors marché au Canada et lui assurer un succès à long terme. Cela passe notamment par des efforts visant à :
- développer le logement hors marché pour atteindre le niveau des autres pays de l'OCDE et commencer à répondre aux besoins de la population canadienne;
- maintenir les actifs physiques ainsi que la capacité générale;
- ouvrir des voies par le biais de changements dans la législation et la politique pour permettre au secteur de continuer à se développer sans toujours dépendre du soutien financier du gouvernement.
Ces efforts pour développer le logement hors marché doivent être prioritaires à tous les paliers de gouvernement, et le ministre fédéral du Logement, de l’Infrastructure et des Collectivités doit faire preuve d’un grand leadership à cet égard. Cela devrait inclure un financement fédéral substantiel pour les provinces et les territoires afin de prioriser et de développer de toute urgence des logements hors marché adaptés à leurs juridictions.
Lire le rapport complet: Ce que nous avons entendu – Les logements hors marché comme solution à la crise du logement.
Demander des comptes aux décideurs
L’année dernière, la défenseure et son bureau ont surveillé la façon dont les gouvernements partout au Canada mettent en œuvre et font respecter le droit à un logement adéquat. La défenseure a écrit des lettres de préoccupations et communiqué avec les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux et les administrations municipales partout au Canada pour faire valoir le droit au logement en tant que droit de la personne. Souvent, nous avons consulté les décideurs lorsqu’il y avait un risque de violation des droits de la personne. Le message de la défenseure demeure le même : tous les paliers de gouvernement ont l’obligation de faire respecter le droit au logement.
Au maire Yu de Prince George au sujet du campement centralisé de personnes en situation d’itinérance à Moccasin Flats
En avril 2023, la défenseure fédérale du logement a écrit une lettre ouverte au maire de Prince George, en Colombie-Britannique, Simon Yu, au sujet d’un nouveau règlement envisagé par le conseil municipal pour établir un campement centralisé pour les personnes en situation d’itinérance à Moccasin Flats. Elle a fait remarquer que le processus et la proposition ne respectaient pas les normes internationales en matière de droits de la personne en assurant un engagement significatif auprès des résidents du campement. Comme la majorité des résidents sont autochtones, elle a également demandé à tout le conseil municipal de respecter les droits inhérents des Autochtones conformément à la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones (DNUDPA).
Dans sa lettre, la défenseure a demandé au maire et au conseil municipal :
- De voter contre la proposition de règlement actuelle et explorer d’autres solutions;
- De reconnaître les droits distincts des peuples autochtones, en particulier des Premières Nations et des Métis de la Colombie-Britannique, et les inclure dans l’élaboration des politiques relatives aux campements;
- D’entreprendre un processus sérieux de mobilisation des résidents des campements, de l’Assemblée des Premières Nations de la Colombie-Britannique et d’autres intervenants avant d’adopter toute décision les concernant;
- De fournir aux résidents des campements un accès aux services de base tels que l’eau potable, les installations sanitaires, l’électricité et le chauffage;
- De ne pas mettre l’accent sur le recours aux forces de l’ordre comme principale réponse aux campements.
Lire la lettre ouverte : Prince George.
Au maire Sim de Vancouver sur l’accélération du démantèlement du campement de la rue East Hastings
En mai 2023, la défenseure fédérale du logement a écrit une lettre ouverte au maire de Vancouver, en Colombie-Britannique, Ken Sim, au sujet de l’accélération du démantèlement du camp de la rue East Hastings. Elle a souligné que le droit international en matière de droits de la personne stipule clairement que les expulsions forcées de campements, y compris le fait de forcer des personnes à quitter un campement pour un refuge, un logement pour personne seule ou un logement « de soutien » qui n’est pas adéquat, constituent une violation des droits de la personne, y compris les droits des Autochtones selon la DNUDPA.
La défenseure a demandé au maire Sim et au conseil municipal de Vancouver :
- De cesser immédiatement l’expulsion forcée des résidents des campements;
- D’adopter une approche fondée sur les droits de la personne pour gérer les campements, en s’inspirant du protocole national de l’ancienne rapporteuse spéciale des Nations Unies sur le droit à un logement convenable;
- D’entreprendre un processus sérieux de mobilisation des résidents des campements, des organismes communautaires et des intervenants avant d’adopter toute décision qui les touche;
- De fournir aux résidents des campements un accès aux services de base tels que l’eau potable, les installations sanitaires, l’électricité et le chauffage;
- De cesser de compter sur l’intervention policière comme principale réponse aux campements.
Lire la lettre ouverte : Vancouver.
Au maire Nuttall de Barrie sur l’exigence d’obtenir un permis pour les campements sur des terres publiques
En juin 2023, la défenseure fédérale du logement a écrit une lettre ouverte au maire de Barrie, en Ontario, Alex Nuttal, au sujet de sa directive (avec l’approbation du conseil municipal) de modifier les règlements municipaux afin d’exiger la détention d’un permis pour utiliser et distribuer des tentes, des bâches, des aliments et des produits d’épicerie dans les parcs publics ou sur les terres publiques. Ces mesures limiteraient considérablement l’accès à un hébergement et aux aliments de base aux personnes vivant dans les campements locaux de personnes en situation d’itinérance et, par conséquent, contreviennent directement aux normes internationales en matière de droits de la personne. Elle a rappelé au maire et au conseil que la Loi sur la stratégie nationale sur le logement reconnaît que le logement est un droit fondamental de la personne et qu’il est essentiel à la dignité inhérente et au bien-être de la personne et que toutes les municipalités canadiennes sont tenues de faire respecter les droits des personnes vivant dans des campements.
La défenseure a demandé expressément au maire Nuttall et au conseil municipal de Barrie :
- De cesser immédiatement l’exigence de détenir un permis afin de pouvoir faire la distribution de tentes, de bâches et d’aliments dans les parcs et les espaces publics;
- D’adopter une approche fondée sur les droits de la personne pour gérer les campements, en s’inspirant du Protocole national pour les campements de sans-abri au Canada de l’ancienne rapporteuse spéciale des Nations Unies sur le droit à un logement convenable;
- D’entreprendre un processus sérieux de mobilisation des résidents des campements, des organismes communautaires et des intervenants avant d’adopter toute décision qui les touche;
- De fournir aux résidents des campements un accès aux services de base tels que l’eau potable, les installations sanitaires, l’électricité et le chauffage.
Lire la lettre ouverte : Barrie.
Aux ministres Sean Fraser et Kamal Khera sur la conception universelle et le logement accessible
En janvier 2024, la défenseure fédérale du logement a écrit une lettre ouverte au ministre Sean Fraser, ministre du Logement, de l’Infrastructure et des Collectivités, et à Kamal Khera, ministre de la Diversité, de l’Inclusion et des Personnes en situation de handicap, concernant la nécessité d’intégrer la conception universelle dans les futurs plans de construction pour faire face à la crise du logement au Canada.
La défenseure a écrit cette lettre à la suite de l’annonce faite par le gouvernement le 12 décembre 2023, qui visait à élaborer un catalogue de plans préapprouvés à l’intention des constructeurs d’habitations pour faire face à la crise du logement au Canada.
À l’heure actuelle, le Canada ne dispose pas d’un nombre suffisant de logements accessibles ou facilement adaptables. La défenseure a exhorté le gouvernement du Canada à :
- Veiller à ce que toutes les options proposées aux constructeurs dans le catalogue de plans soient fondées sur les principes de la conception universelle et soient accessibles ou adaptables;
- Élargir les exigences en matière d’accessibilité et d’adaptabilité dans le Code national du bâtiment afin que toutes les futures habitations soient construites sans obstacle.
C’est essentiel pour que tous les Canadiens et Canadiennes aient accès à un éventail d’options de logement qui répondent à leurs besoins en matière d’accessibilité et qui leur permettent de vieillir chez eux.
Lire la lettre ouverte : La conception universelle et le logement accessible.
Priorités émergentes
Le paysage des logements au Canada est en constante évolution. Le rôle de la défenseure fédérale du logement est de veiller à ce que les choses évoluent dans le bon sens, c’est-à-dire que le droit au logement soit respecté pour tous et toutes au Canada.
Bien que beaucoup de progrès aient été réalisés pour régler les problèmes de logement les plus urgents auxquels les Canadiens et Canadiennes font face, il y a beaucoup d’autres problèmes systémiques à régler, notamment :
- L’itinérance chez les vétérans au Canada;
- La sécurité d’occupation pour les groupes vulnérables;
- Les lacunes dans les conditions de logement des Premières Nations;
- Les problèmes de logement dans les régions rurales, éloignées et nordiques;
- Le droit au logement pour les réfugiés réinstallés et les demandeurs d’asile;
- Garantir un logement accessible et inclusif pour tous;
- La financiarisation des logements pour les personnes âgées et les établissements de soins de longue durée;
- Le lien entre notre système judiciaire et l’itinérance.
L’évaluation de ces questions et d’autres encore sera un processus continu pour la défenseure, dont les priorités seront déterminées par les besoins les plus urgents. Il reste encore beaucoup de travail à faire. Tant qu’il y aura de l’injustice en matière de logement au Canada, nous poursuivrons nos efforts de défense des droits.
Voici deux domaines que la défenseure et son bureau commencent déjà à explorer dans le cadre de leurs travaux futurs.
L’itinérance chez les vétérans au Canada
Les vétérans constituent un groupe distinct de personnes qui ont des besoins et des défis uniques en matière de logement. Anciens Combattants Canada considère tout ancien membre des Forces armées canadiennes qui a suivi avec succès une formation de base et qui est libéré honorablement comme un vétéranNote de bas de page 1.
Le nombre estimé de vétérans en situation d’itinérance au Canada varie de 2 400 à 10 000. Le fait que personne n’ait de renseignements exacts sur l’ampleur de ce problème fait partie du problème. Le rapport de 2018 d’Anciens Combattants Canada intitulé « Tout le monde compte »Note de bas de page 2 a révélé qu’à l’époque, les vétérans représentaient environ 4,4 % des personnes en situation d’itinérance au Canada.
Compte tenu de la fragmentation et du cloisonnement des programmes de soutien partout au pays, de la mauvaise compréhension de l’ampleur du problème et de la nature incroyablement diversifiée des causes et des expériences de l’itinérance chez les vétérans, il est nécessaire de mieux définir le problème pour pouvoir y remédier.
En 2023, le gouvernement fédéral a lancé un Programme de lutte contre l’itinérance chez les vétérans de 79,4 millions de dollars, établissant deux volets de financement pour aider la société civile et les gouvernements infranationaux à fournir des suppléments au loyer, à offrir des services sociaux et à améliorer la recherche. Cependant, il n’est pas clair que plus d’argent – sans leadership et coordination fédéraux clairs – apportera des changements significatifs.
Défendre les intérêts des vétérans en situation d’itinérance
En juillet, un rapport préparé pour la défenseure fédérale du logement par l’École Max Bell de politiques publiques de l’Université McGill à Montréal, au Québec, a présenté des options politiques que notre bureau a recommandées à tous les ministères fédéraux concernés.
Le rapport, Addressing veteran homelessness in Canada, a révélé qu’il y a toujours un manque de leadership de la part des ministères fédéraux dans le dossier de l’itinérance chez les vétérans, qu’il y a des écarts importants dans les chiffres déclarés et l’identité des vétérans en situation d’itinérance, que les services existants ne répondent pas aux besoins des femmes et des vétérans de diverses identités de genre en situation d’itinérance, et qu’il n’y a pas suffisamment de soutien pour les vétérans dans leur transition à la vie civile et pour les organismes qui offrent des services aux vétérans.
Les recommandations du rapport comprenaient les objectifs suivants :
- Qu’ Anciens Combattants Canada joue un rôle de premier plan dans la lutte contre l’itinérance chez les vétérans;
- Parvenir à une compréhension commune et précise de l’itinérance chez les vétérans au Canada;
- Créer des voies d’accès pour les vétérans afin qu’ils puissent bénéficier d’un soutien immédiat en matière de logement;
- Accroître et soutenir l’offre de logements pour les vétérans.
La sécurité d’occupation au Canada
Chacun a droit à un logement où il sait qu’il peut rester longtemps sans être déplacé. C’est ce qu’on appelle la sécurité d’occupation, et c’est un élément essentiel du droit fondamental à un logement adéquat.
Refuser la sécurité d’occupation aux locataires, aux peuples autochtones, aux communautés racisées, aux personnes en situation de handicap et aux résidents des campements mine l’engagement du Canada à l’égard de la réalisation progressive du droit au logement, tel que défini dans la Stratégie nationale sur le logement du Canada.
Pour mieux comprendre les diverses questions entourant la sécurité d’occupation et entendre les groupes de personnes les plus touchés, le bureau du défenseur fédéral du logement a publié en janvier 2024 une série de sept rapports (en anglais seulement) rédigés par des experts juridiques.
Les rapports se concentrent sur :
- Le droit à un avocat des locataires menacés d’expulsion
- Jurisprudence internationale
- Expulsion et obligations internationales
- La race et la sécurité d’occupation
- Obstacles systémiques pour les membres des Premières Nations
- Questions relatives aux personnes en situation de handicap
- Les obligations fédérales et les campements : La sécurité d’occupation au Canada
Les rapports concluent que, en matière d’expulsion, le Canada n’applique pas les principes fondamentaux des droits de la personne et ne remplit pas ses obligations juridiques. Par exemple, au Canada, il n’est pas rare qu’une famille soit expulsée parce qu’elle est en retard d’un mois – ou moins – sur son loyer, plutôt que de se voir offrir un plan de remboursement équitable. De plus, seule une minorité de locataires menacés d’expulsion ont accès à une représentation juridique, malgré l’expérience potentiellement illégale et bouleversante de la perte de leur loyer.
Les rapports ont également confirmé que la discrimination systémique entraîne un nombre disproportionné d’expulsions chez les Autochtones, les personnes noires et les personnes racisées, les personnes en situation de handicap, les ménages à faible revenu et d’autres personnes. Cela contrevient aux lois nationales et provinciales sur les droits de la personne.
La défenseure fédérale du logement continuera de commander des recherches sur cette question, d’intervenir dans les audiences et de formuler des recommandations au gouvernement fédéral pour demander aux gouvernements et à d’autres intervenants de respecter le droit de chacun à la sécurité d’occupation au Canada.
Recommandations au Parlement – 30 avril 2024
La défenseure fédérale du logement est chargée de formuler des recommandations pour améliorer les lois, les politiques et les programmes du Canada en matière de logement afin qu’ils permettent aux personnes et aux familles d’avoir accès à un logement adéquat, abordable et sécuritaire qui répond à leurs besoins.
La crise du logement et de l’itinérance qui frappe le Canada ne pourra être réglée que lorsque les gouvernements s’engageront à prendre des mesures concrètes et efficaces qui respectent le droit fondamental à un logement adéquat. Le gouvernement fédéral doit ouvrir la voie à la mise en œuvre de mesures efficaces pour renforcer le système de logement du Canada et sortir les gens de l’itinérance.
Pour qu’un changement durable s’opère, le Canada a besoin d’une volonté politique, d’un engagement et d’une coordination à tous les paliers de gouvernement. Il faudra une approche pangouvernementale pour mettre en œuvre le droit de la personne au logement, et le gouvernement fédéral doit ouvrir la voie.
Ce rapport annuel 2023-2024 est mis à la disposition des autres députés, ainsi que des intervenants et du grand public canadien afin de mieux faire comprendre le droit au logement, les activités du bureau et les recommandations précises.
La défenseure doit soumettre chaque année un rapport au ministre responsable du logement et peut également présenter des recommandations à tout moment au ministre, qui est tenu de répondre dans les 120 jours suivant la réception de ces rapports.
La défenseure fédérale du logement demande au ministre du Logement, de l’Infrastructure et des Collectivités du Canada, au premier ministre, aux autres membres du Cabinet et au gouvernement du Canada de reconnaître et de mettre en œuvre les recommandations suivantes.
Loi sur la stratégie nationale sur le logement
Un logement adéquat pour tous
En vertu de la Loi sur la stratégie nationale sur le logement de 2019, tous les paliers de gouvernement sont légalement tenus de promouvoir, de protéger et de respecter le droit fondamental à un logement adéquat pour tous et toutes, et en particulier pour les personnes confrontées à l’itinérance ou à la précarité du logement.
La défenseure demande au premier ministre, au ministre du Logement, de l’Infrastructure et des Collectivités, à la ministre des Finances, aux autres membres du Cabinet et à tous les parlementaires de mettre en œuvre le droit fondamental à un logement adéquat, comme le prévoit la Loi sur la Stratégie nationale sur le logement de 2019.
La défenseure demande à tous les paliers de gouvernement d’intégrer de façon exhaustive le droit fondamental à un logement adéquat dans toutes les décisions du gouvernement relatives au logement, y compris les politiques et les plans stratégiques, les documents d’information, les présentations au Conseil du Trésor et les instructions pour la rédaction de nouvelles lois, en s’appuyant sur les leçons tirées de la Loi sur la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones et de l’analyse comparative entre les sexes plus (ACS Plus).
Défendre les droits inhérents des Premières Nations, des Inuits et des Métis
Le gouvernement fédéral doit faire respecter les droits inhérents des Premières Nations, des Inuits et des Métis en matière de logement, tels qu'ils sont énoncés dans la Loi sur la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones.
En ce qui concerne le logement, le gouvernement fédéral doit respecter les dispositions clés, y compris le droit à l’autodétermination (article 3); élaborer et administrer des plans et des programmes de logement (article 23); les droits aux terres, territoires et ressources que les peuples autochtones ont traditionnellement possédés, occupés, utilisés ou acquis (article 26); et le droit de ne pas être enlevé de force de terres ou de territoires et de ne pas être réinstallé sans le consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause (article 10), entre autres dispositions.
Réunions spéciales avec le ministre
En vertu de la Loi sur la stratégie nationale du logement (paragraphes 17[1] et article 17.1), le ministre doit répondre aux rapports annuels et aux rapports de la défenseure fédérale du logement concernant les examens des problèmes systémiques.
La défenseure recommande la tenue d’une réunion spéciale entre elle et le ministre responsable du logement pour discuter des rapports de cette année sur les Inuits et les campements, ainsi que des rapports à venir, afin d’assurer une réponse significative et de connaître les efforts du gouvernement pour :
- mobiliser les secteurs de politique pertinents et les ministres responsables dans les domaines de responsabilité gouvernementale qui se recoupent (p. ex., Relations Couronne-Autochtones et Affaires du Nord, Services aux Autochtones Canada, Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada, Sécurité publique Canada, Conseil du Trésor, Finances, Femmes et Égalité des genres, et autres);
- mettre en œuvre les recommandations ou fournir une justification fondée sur des données probantes pour celles que le gouvernement rejette;
- établir des échéanciers, des jalons et une estimation de l’affectation des ressources pour la mise en œuvre des recommandations, y compris pour la participation des détenteurs de droits.
Élaborer un plan d’action pangouvernemental
Conformément à la recommandation contenue dans le rapport annuel 2022-2023 de la défenseureNote de bas de page 3 : élaborer un plan d’action pangouvernemental sous la supervision du ministre pour la mise en œuvre du droit fondamental à un logement adéquat, conformément à la Loi sur la stratégie nationale sur le logement.
Créer un programme de financement ciblé
Comme l’a expliqué le National Right to Housing Network dans son rapport de 2024 commandé par mon bureauNote de bas de page 4, le gouvernement fédéral devrait créer un programme de financement ciblé pour donner aux détenteurs de droits, à la société civile et aux organisations autochtones les moyens de participer aux mécanismes de revendication des droits de la personne établis par la Loi sur la stratégie nationale sur le logement, comme présenter des observations à la défenseure et participer aux commissions d’examen.
Stratégie nationale sur le logement
Conformément à la Loi sur la stratégie nationale sur le logement, le gouvernement fédéral doit maintenir une Stratégie nationale sur le logement pour :
- améliorer la situation en matière de logement pour les personnes dont les besoins sont les plus criants (alinéa 5[2]c);
- prévoir des processus participatifs visant à assurer l’inclusion et la participation continues de la société civile, des intéressés, des groupes vulnérables et des personnes ayant éprouvé des besoins en matière de logement et de celles ayant vécu dans l’itinérance (alinéa 5[2]d).
Améliorer la Stratégie nationale sur le logement
Selon les recommandations du rapport annuel 2022-2023 de la défenseureNote de bas de page 5 :
Le gouvernement fédéral devrait aligner la Stratégie nationale sur le logement sur l’objet législatif de la Loi sur la stratégie nationale sur le logement pour améliorer la situation en matière de logement pour les personnes dont les besoins sont les plus criants.
Le gouvernement fédéral devrait redéfinir les programmes de la Stratégie nationale sur le logement de manière à ce qu’ils permettent de réaliser des progrès mesurables au regard des objectifs de la Stratégie nationale sur le logement, à savoir la réduction des besoins impérieux en matière de logement et d’itinérance.
Le gouvernement fédéral devrait lier les objectifs en matière de droits de la personne fondés sur des données probantes et les exigences de surveillance systématique aux ententes bilatérales, aux plans d’action et aux programmes de la Stratégie nationale sur le logement.
Veiller à ce que la Loi sur la stratégie nationale sur le logement soit conforme à la DNUDPA
Conformément à la Loi sur la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones et au processus d’examen des lois, le gouvernement fédéral devrait, en consultation et en collaboration avec les Premières Nations, les Inuits et les Métis et les organisations qui les représentent, interpréter la Loi sur la stratégie nationale sur le logement de manière à assurer sa cohérence avec la Déclaration des Nations Unies.
Données et surveillance de la situation pour les groupes défavorisés
Le gouvernement fédéral devrait exiger des gouvernements provinciaux, territoriaux, municipaux (le cas échéant) et autochtones qu’ils recueillent et partagent des données ventilées sur la situation en matière de logement pour les groupes défavorisés, en particulier en ce qui concerne les programmes de la Stratégie nationale sur le logement, et affecter des ressources pour appuyer cette collecte de données.
Réalisation progressive
La Loi sur la stratégie nationale sur le logement reconnaît le logement comme un droit de la personne pour tous les Canadiens et toutes les Canadiennes, et fait de la réalisation progressiveNote de bas de page 6 de ce droit le fondement de toute politique en matière de logement.
Conformément à la recommandation du rapport annuel 2022-2023 de la défenseureNote de bas de page 7, tous les paliers de gouvernement doivent agir immédiatement pour mettre en œuvre des mesures efficaces, en utilisant le maximum de ressources disponibles et en utilisant tous les moyens appropriés, afin de réaliser le droit à un logement adéquat le plus rapidement possible, et donner la priorité aux personnes dont les besoins sont les plus criants.Note de bas de page 8
Augmenter le parc de logements hors marché
Le logement hors marché offre une occasion importante de réaliser progressivement le droit fondamental à un logement adéquat, y compris un logement abordable, accessible et adapté à la culture.
Le gouvernement fédéral devrait élaborer et mettre en œuvre un plan à court terme pour doubler le parc de logements hors marchéNote de bas de page 9, pour le faire passer de 3,5 % à 8 % du parc total de logements, avec un objectif à long terme de 20 %, conformément à une recherche commandée par mon bureau.Note de bas de page 10 Ce plan doit être élaboré en partenariat avec les provinces, les territoires, les administrations municipales, les gouvernements et organisations autochtones ainsi que le secteur du logement hors marché. Cela devrait inclure un soutien au renforcement des capacités sectorielles.
Lors de la prochaine réunion régulière prévue avec la défenseure, le ministre devrait fournir une réponse détaillée au rapport « Ce que nous avons entendu » de la Journée nationale de l’habitation 2023 de la défenseure et demander l’expansion du parc de logements hors marché du Canada.
Sensibiliser au droit fondamental à un logement
Développer l’éducation et les outils en matière de droits de la personne
En raison du nombre croissant de violations du droit au logement auxquelles sont confrontés les groupes défavorisés, le gouvernement fédéral, en collaboration avec le bureau du défenseur fédéral du logement, le Conseil national du logement, la Commission canadienne des droits de la personne et l’Association canadienne des commissions des droits de la personne, devrait s’appuyer sur les outils pédagogiques existants élaborés par le bureau du défenseur fédéral du logementNote de bas de page 11 pour accroître la sensibilisation aux droits de la personne des décideurs politiques et des administrateurs de programmes afin d’intégrer des approches fondées sur les droits de la personne et le droit fondamental à un logement adéquat dans les processus gouvernementaux et l’élaboration des politiques, à l’instar des directives de l’analyse comparative entre les sexes Plus (ACS Plus).Note de bas de page 12
Travailler avec les provinces et les territoires
Respecter les engagements du cadre de partenariat multilatéral sur le logement de 2018
Les gouvernements provinciaux et territoriaux doivent respecter leurs propres engagements pris en vertu du Cadre de partenariat multilatéral sur le logement de 2018, dans le cadre duquel ils ont convenu que les investissements de la Stratégie nationale sur le logement accorderaient la priorité aux personnes dont les besoins sont les plus criants et que la politique en matière de logement est fondée sur les principes d’inclusion, la participation, la responsabilisation et la non-discrimination.
Présenter des lois provinciales et territoriales sur le droit au logement
Les gouvernements provinciaux et territoriaux devraient présenter une loi sur le droit au logement qui exige la création de postes de défenseurs du logement provinciaux ou territoriaux qui peuvent tenir leur gouvernement directement responsable de ses obligations en matière de droits de la personne, y compris le droit au logement des Autochtones. Cette loi devrait s’appuyer sur le cadre juridique de la Loi sur la stratégie nationale sur le logement et la défenseure fédérale du logement et, être élaborée en consultation avec les dirigeants autochtones, les détenteurs de droits, les municipalités, les défenseurs des droits et les communautés.
À propos de nous
Le droit à un logement adéquat est un droit fondamental pour tous et toutes au Canada. Il signifie que toutes les personnes ont le même droit de vivre dans la dignité, dans un foyer sûr et sécurisé. Chaque personne doit pouvoir accéder à un logement qui réponde à ses besoins, sans discrimination ni harcèlement.
Le fait de disposer d’un lieu de vie abordable, adapté et sécuritaire aide les personnes et les familles à prospérer et à s’épanouir. Le droit fondamental à un logement adéquat est une condition préalable importante pour plusieurs autres droits de la personne, notamment les droits à la vie, au travail, à la santé, à la sécurité sociale, au vote et à l’éducation.
Le droit fondamental à un logement adéquat n’est pas un concept nouveau. Il s’agit d’un droit de la personne fondamental reconnu par le droit international, par la création de la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948. Le Canada s’est engagé à réaliser progressivement le droit au logement et à un niveau de vie suffisant en 1976, lors de l’entrée en vigueur du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels.
L’engagement du Canada en faveur du droit de la personne à un logement adéquat a été réaffirmé en 2019 lorsque le Parlement a adopté la Loi sur la stratégie nationale sur le logement. La Loi reconnaît le logement comme un droit de la personne et engage le gouvernement fédéral à promouvoir la réalisation progressive du droit de la personne à un logement adéquat.
La Loi prévoit des outils de reddition de compte pour aider à promouvoir et à surveiller le droit au logement au Canada, notamment :
- une Stratégie nationale sur le logement
- un Conseil national du logement
- une défenseure fédérale du logement
- les commissions d’examen
La défenseure fédérale du logement qui est non partisane et qui n’a aucun lien de dépendance avec le gouvernement est responsable de la surveillance du droit au logement et est mandatée pour mener des actions concrètes afin de répondre aux besoins et de résoudre les enjeux de logement et d'itinérance au Canada.
La défenseure ne mène pas d’enquêtes sur les cas individuels. Au lieu de cela, la défenseure demande aux gouvernements de rendre des comptes sur leurs obligations en matière de droits de la personne et formule des recommandations visant à améliorer les lois, les politiques et les programmes du Canada en matière de logement. L’objectif ultime est un système de logement sain où les personnes et les familles du Canada ont accès à un logement adéquat, abordable et sûr qui répond à leurs besoins.
Pour en savoir plus :
- Vidéo : La Loi sur la stratégie nationale sur le logement
- Vidéo : Le droit au logement au Canada
- Vidéo : Faire progresser le droit au logement pour les responsables
- Vidéo : Outil d’observations de logement - votre voix compte!
À propos de la défenseure
En février 2022, Marie-Josée Houle est devenue la première personne nommée au poste de défenseure fédérale du logement au Canada, ce qui marque le début d’un nouveau chapitre dans sa carrière bien ancrée dans la lutte pour l’abordabilité des logements et contre l’itinérance. Son rôle et son mandat, ainsi que ceux de son bureau, ne sont pas seulement de témoigner, mais aussi de susciter des changements sur les enjeux systémiques du logement. Ce mandat est guidé par une approche fondée sur les droits de la personne, qui valorise la participation, la responsabilité, la non-discrimination, l’équité, la transparence, l’autonomisation et le respect des lois et obligations en matière de droits de la personne.
Véritable leader d’expérience, Mme Houle est reconnue pour son activisme communautaire, son expertise en matière de droits de la personne et l’étendue de ses connaissances relativement au système de logement et de lutte contre l’itinérance.
Avant d’être nommée au poste de première défenseure fédérale du logement au Canada, Mme Houle a acquis une vaste expérience en exerçant divers emplois. Elle a notamment travaillé en première ligne dans des coopératives d’habitation ainsi qu’en consultation et en gestion de projets de développement de logements abordables, de même que sur l’examen de règlements, sur des projets de recherche en matière de logement et sur l’élaboration de programmes éducatifs pour des coopératives d’habitation et des organismes sans but lucratif. Elle a également occupé différents postes de haute direction.
Jouant un rôle actif dans la défense des droits à l’échelle nationale, provinciale et communautaire, Mme Houle a milité pour les droits des locataires et pour le secteur du logement à but non lucratif auprès trois ordres de gouvernement. Elle a collaboré avec nombre de partenaires du secteur pour favoriser l’innovation et l’entrepreneuriat, améliorer l’efficacité, influencer les principaux leaders d’opinion, tirer parti des partenariats stratégiques et remédier aux lacunes ainsi qu’aux violations des droits de la personne en matière de logement et d’accès à celui-ci. Il est particulièrement important pour elle de développer un sentiment d’appartenance à la communauté entre les partenaires.
Fervente défenseure des voix marginalisées, Mme Houle préconise la tenue d’un dialogue respectueux et inclusif en créant un environnement où les personnes défavorisées peuvent se faire entendre. Son travail de défense des droits se fait sous l’angle d’une approche intersectionnelle et de la lutte contre le racisme. Elle a assuré la liaison avec les fournisseurs de logements autochtones, les promoteurs et les organismes de soutien aux locataires afin de trouver des moyens de devenir de meilleurs alliés, de soutenir leur travail et de faire valoir leurs voix.
Mme Houle est née à Val-d’Or, au Québec, et a grandi à Edmonton, en Alberta. Elle est titulaire d’une maîtrise en sociologie et en anthropologie sociale de l’Université Dalhousie et d’un baccalauréat en sciences de l’environnement de l’Université de l’Alberta. Elle maîtrise parfaitement le français et l’anglais.